Saturday, February 14, 2009
If you see her on the street in Phnom Penh, please don't ignore her plea, show your love to her on this Valentine day ... Thank You!
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Old beggar woman,
Phnom Penh street scene
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"Chutiyor vétisatanaing upak padi-pvear sapasor asataing sokatain Puthaing tama-haing proumi pream-naing"
"He who perfectly knows the passing aways of all beings and how again they arise,who is detached,well-gone,and enlightened,him I call a Brahman"
http://fr.youtube.com/watch?v=KrBbRN-5YOA&feature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=Mugw6A9GOPM&feature=related
http://fr.youtube.com/watch?v=1iT09V1Ro44&NR=1
http://fr.youtube.com/watch?v=Htc4PbnssOE
http://fr.youtube.com/watch?v=huZ1oiRMClI&feature=related
KHING Hoc Dy
NEAK MEAN BOUN,
« ÊTRE – DE - MÉRITES »
DANS LA CULTURE ET LA LITTÉRATURE DU CAMBODGE
Neak Mean Boun ou Neak Boun qualifie « homme pourvu de mérites » ou un « Être -de - mérites » en khmer. L’expression est omniprésente dans la culture et la littérature du Cambodge. La croyance à cet «Être – de - mérites » est incrustée dans la mémoire collective de l’ensemble de la population. Être reconnu « Neak Boun » légitime la personne qui prend le destin du pays ou monte sur le trône. Littéralement l’expression signifie « homme possédant des mérites ». Elle vient du khmer Neak qui désigne « l’individu, la personne, l’être, celui, il ou elle » ; de Mean « avoir, posséder, pouvoir ; riche … » ; et du pàli punna (en sanskrit punya) qui signifie « auspicieux, heureux ; beau, bon, juste ; pur, saint ; fête, cérémonie, honneur » et au sens bouddhique du terme ceci notifie «des actes de mérite ou méritoires qui sont des états karmiquement bons (kusala) qui relèvent de la sphère des sens (kàmàvacara) et de la sphère matérielle-subtile (rùpavacara)… ». Mais le boun n’est pas éternel. Quand on dit que quelqu’un est âs boun, cela signifie «fin des mérites » ou « expirer, épuiser le fond des mérites » et par extension cela veut dire aussi « mourir ou mort ». Cette expression est intimement liée à la Loi karmique (karma) du bouddhisme. L’« Être - de - mérites » figure dans les chroniques royales du Cambodge dans la partie légendaire, voire historique, mais également dans la littérature classique et populaire.
1. L’ÉPOPÉE DES NEAK MEAN BOUN DANS LES CHRONIQUES ROYALES DU CAMBODGE.
Le Neak Mean Boun occupe une grande place dans la partie légendaire des Chroniques royale du Cambodge. On se limitera à évoquer quelques exemples :
1.1. L’histoire de Neay Roung
En 1165 de l’ère bouddhique, 621 de l’ère chrétienne, le 10e jour de la lune croissante du mois de Phalkun fut un jour de bon augure, Botum Soriyavong, âgé de 16 ans, auguste fils du roi Botum Voravong, le dixième roi, succéda à son père.
Le jeune roi possédait splendeur et puissance. Doté d’une force bénéfique miraculeuse, il possédait l’œil divin qui pouvait regarder, éclairer, percevoir et comprendre les événements de tous les points cardinaux.
L’épopée de Neay Rong débute avec sa nomination à la fonction de chef des corvéables d’eau dans les affaires royales, prenant la place de son père décédé. A la saison où il devait apporter le tribut d’eau, Neay Rong ordonna aux corvéables de tresser des paniers à petites mailles, de puiser l’eau et de la verser dans les paniers. Alors Neay Rong prononça ses paroles:
« Paniers, ne laissez pas l’eau sortir ».
L’eau ne s’échappa pas des paniers. Les récipients furent apportés et offerts à Sa Majesté le roi qui résidait dans la Grande Cité (Moha Nokor). Devant ce fait extraordinaire le roi Botum Soriyavong ouvrit son œil divin et comprit qu’était né un « homme- de- mérites » ( Neak Mean Boun) de parole divine en la personne de Neay Rong, le chef des corvéables d’eau. Le souverain comprit qu’il ne pourrait plus contrôler Neay Rong, il rassembla les dignitaires et tous les mandarins et leur dit :
« Il naîtra sûrement dans ce pays un roi qu’on ne peut détruire. Nous devons faire de ce pays un royaume différent, et que Neay Rong ne nous soit plus apporté de tribut d’eau à l’avenir.
Le dignitaire, Ponhea Décho Domdin , présent à l’audience du roi, ayant entendu que Neay Rong possédait des mérites et la parole divine représentait une menace, se prosterna pour demander avec 300 soldats à aller arrêter Neay Rong à Sukkhotey.
Entre temps Neay Rong avait été ordonné novice dans la pagode de Bouthathai. Dans l’après-midi, il balayait la terre du vihàra quand Ponhea Décho Domdin, arrivé dans la pagode en se faufilant à travers la terre, ressurgit à mi-corps. Il aperçut le religieux et lui demanda s’il connaissait Neay Rong, le chef des corvéables d’eau.
Le novice Rong, ayant vu cet étranger se faufiler furtivement, eut conscience qu’il venait pour l’arrêter, et répondit :
« Vous, laïc, arrêtez-vous et attendez-là, je vais le prévenir ».
Sur ces paroles, Ponhea Décho Domdin se pétrifia en pierre et ce jusqu’à aujourd’hui…
1. 2. La légende de Dombâng Krânhoung et de Prom Kel
Sous le règne du roi Chakrapoatr, en 1516 de l’ère bouddhique, 972 de l’ère chrétienne, un homme du peuple faisait partie des réquisitionnés chargés de couper du bois en vue de la construction d’un pavillon mortuaire pour les funérailles de Sa Majesté Sangkhachakr, son défunt père. A l’heure du déjeuner le corvéable prépara sa pitance, à défaut de louche il prit une branche du rokâr khmao pour remuer le riz qui devint noir. Affamé il le mangea. Après son repas, il se sentit d’une très grande force. Il attrapa une branche de l’arbre chhoeteal et la plia sans effort. Impressionnés ses compagnons se soumirent en nombre à son autorité. Puis cet individu coupa un morceau du cœur de l’arbre krânhoung pour en faire son bâton personnel, et les hommes l’appelèrent Dombâng Krânhoung.
Dombâng Krânhoung devint arrogant et voulut s’emparer du trône. Informés les serviteurs royaux rapportèrent les faits à Chakrapoatr, l’informant d’un homme du peuple appelé Dombâng Krânhoung doté d’une puissance, force et vigueur sans égale voulait s’emparer du trône. Chakrapoatr réunit son armée pour l’arrêter mais il ne put jamais le vaincre. Les troupes se soumirent à Dombâng Krânhoung provoquant le décès du roi emporté par la peur.
En 1545 de l’ère bouddhique, 1001 de l’ère chrétienne, Dombâng Krânhoung monta sur le trône. Il ordonna aux soldats d’arrêter tous les membres de la famille royale pour les brûler.
Le prince Sérei Kumar, deuxième fils du roi Chakrapoatr, âgé de 5 ans, fut provisoirement sauvé par sa nourrice qui l’amena hors du palais. Mais né de sang royal, le lieu de sa retraite ne passa pas inaperçu. Les soldats de Dombâng Krânhoung l’arrêtèrent et voulurent le faire périr par le feu. Mais les qualités de l’enfant suscitèrent compassion et amour dans le cœur d’un groupe de soldats. A l’approche du soir, ils le tirèrent furtivement du brasier et l’abandonnèrent dans les bois. Les bonzes qui le découvrir eurent pitié de lui le recueillirent et le soignèrent. Les plaies des brûlures disparurent mais les bras et les jambes s’étaient soudés. Ne pouvant plus marcher il se déplaçait que sur son arrière-train. Il demeura avec les bonzes qui l’élevèrent sous le nom de Prom Kel, tandis que les autres gens l’appelaient Ponhea Krèk.
De son côté, l’épouse du roi vivait cachée sous les traits d’une femme du peuple dans la maison de Ta Kohé. La reine déchue donna naissance, après dix mois accomplie, à un fils qui possédait des signes fastes, brillants et clairs, avec le signe de la roue sur les paumes des mains et les plantes des pieds.
Un jour, Ta Kohé, sa femme et la reine mère allèrent moissonner le riz en amenant avec eux le jeune garçon. Ils couchèrent l’enfant à l’ombre d’un arbre et pris par leur tâche ils le délaissèrent. Lorsque les rayons du soleil arrivèrent sur l’enfant, il y eut un oiseau qui vint déployer ses ailes pour le protéger contre les rayons du soleil. Quand Ta Kohé vit l’oiseau, surmontant sa peur, il se rendit en courrant à sa rencontre. A son approche, l’oiseau s’envola. Ta Kohé prit l’enfant dans ses bras, l’entoura de tous ses soins et le glorifia, disant que ce petit-fils possédait des mérites extraordinaires. Puis il lui donna le nom de Baksei Cham Krong.
Les années passèrent, roi Dombâng Krânhoung l’Usurpateur, après 7 ans et 7 mois de règne, ordonna à l’astrologue de lui prédire :
« Je possède des mérites merveilleux. Y- aura-t-il un autre homme de mérites qui pourra s’emparer de mon trône ? »
Alors l’astrologue calcula selon les livres de divination et lui prédit :
« Votre Majesté possède des mérites merveilleux, mais vous ne régnerez sur la Grande Cité que pendant 7 ans, 7 mois et 7 jours. Il ne reste plus maintenant que 7 jours et ensuite l’homme prédestiné arrivera à l’auguste palais et réussira à s’emparer du trône. »
Ayant entendu cela, le roi Dombâng Krânhoung fut très soucieux. Il pensa :
« Si vraiment « l’homme- de- mérites » arrive, je le frapperai de mon bâton pour le réduire en miettes. Si je ne peux le frapper, j’accepterai ma défaite, je lui offrirai le trône et je quitterai le pays pour ne pas être frappé par le malheur ».
La rencontre de Prom Kel avec le roi :
Lorsque les gens du pays apprirent la prédiction faite au roi par l’astrologue, ils la crurent sans la mettre en doute. Au septième jour, une foule, excitée et tumultueuse, se rassembla pour aller contempler l’homme de mérites. Prom Kel voulu aussi voir « l’Être - de - mérites ». Se mouvant sur son derrière, il s’arrêta seul sur la berge d’une mare.
Il vit alors un vieux brahmane conduisant un cheval et portant un paquet de riz, un cylindre d’eau et une grande besace contenant des insignes royaux tels que le diadème et des parures de toutes sortes. Le brahamane alla à la rencontre de Prom Kel et l’interrogea :
« Mon petit-fils, où vas-tu ? »
Prom Kel répondit :
« Je vais voir « l’Être -de- mérites » comme les autres, mais je ne peux pas marcher car je suis infirme ».
Le brahmane dit :
« N’y vas pas, tu ne pourras pas le voir. Reste dans cet endroit. Je voudrais te confier le cheval et la besace. Je te prie de les garder pour moi. Si tu as faim, mange le riz du paquet et bois l’eau du cylindre. J’irai voir « l’Être - de- mérites » et si je l’aperçois, je reviendrai et je te le décrirai ».
Prom Kel répondit :
« Je suis infirme et j’ai peur qu’en gardant le cheval, celui-ci ne s’échappe ».
Le brahmane dit :
« Cela ne fait rien. Dans un petit instant, je reviendrai ».
Le brahmane mit les rênes du cheval sur l’un des bras de Prom Kel, plaça la besace près de lui et s’en alla.
Plus tard le cheval se leva et Prom Kel sentit comme si on tirait violemment son bras. Et celui-ci devint droit. Il mit les rênes de la monture sur l’autre bras qui devint également droit. Il mit les rênes sur ses jambes qui devinrent toutes les deux droites.
Prom Kel était heureux de ne plus être un invalide. Puis, il prit l’eau du cylindre pour s’en laver le corps qui devint propre, clair et beau, sans aucune trace de cicatrice. Il pensa :
« Que mes bras et mes jambes soient ainsi guéris, c’est extraordinaire ! »
Ensuite, il délia le paquet, prit du riz et mangea ; il se sentit d’une très grande force. Enfin, pensant aux bienfaits du vieux brahmane, il délia la besace et y trouva les insignes royaux, les vêtements, la couronne, les parures. Comme ces objets lui étaient destinés, ils lui allèrent parfaitement, et il devint beau comme un dieu. Alors, il sut que c’était vraiment lui « l’Être -de -mérites ». Il monta sur le cheval qui prit l’air et vola en direction du Nord-Est vers l’entrée de la cour de la Grande Cité. La foule les aperçut et fit un grand tumulte dans la capitale.
Le roi Dombâng Krânhoung, qui l’attendait, aperçut « l’Homme de mérites » arrivant à cheval par les airs. Il entra dans une grande colère. Il saisit son bâton et lança en direction de Prom Kel, mais ne le toucha pas. Le bâton dépassa son but et tomba sur la terre qui s’effondra, formant un ruisseau, dénommé ruisseau de Dombâng. Suite à cet événement, les rois qui régnèrent par la suite ordonnèrent jusqu’à nos jours d’appeler cet endroit la province de Batdombâng.
Le roi Dombâng Krânhoung, ayant vu que les soldats et le peuple se soumettaient à un autre, accepta de se prosterner, de se déclarer vaincu et d’offrir le trône. Il quitta la Grande Cité et marcha seul à l’aventure. Il alla habiter au Laos en l’année du Singe, dixième de la décade.
1.3. La légende de Baksei Cham Krong:
En 1552 de l’ère bouddhique, 1008 de l’ère chrétienne, Prom Kel âgé de 12 ans, monta sur le trône à la suite de Dombâng Krânhoung.
Alors, le roi ordonna à l’astrologue de lui prédire :
« Moi, je possède des mérites. Est- ce- qu’il y aura un autre homme de mérites qui viendra s’emparer de mon trône ? »
L’astrologue se prosterna et lui prédit :
« L’Être- de- mérites est déjà né dans la famille royale. Il est âgé de 7 ans et s’est enfui sous forme d’un enfant du peuple dans une région extérieure à la capitale, de ce royaume. Il viendra, et pourra s’emparer du trône. Cet « Être- de- mérites » possède le signe de la roue aux paumes des mains et aux plantes des pieds ».
Ayant entendu cela, le souverain fut très soucieux. Il ordonna aux mandarins et serviteurs royaux d’aller se renseigner, mais ils n’obtinrent rien de précis.
Alors, le roi ordonna de prendre de la farine et de l’étaler sur des vans, puis de faire venir tous les enfants de 7 ans qui existaient dans l’auguste royaume. Les gouverneurs des provinces les envoyèrent tous sans exception. A leur arrivée, ils étaient priés de mettre les paumes de leurs mains et les plantes de leurs pieds sur de la farine, et s’il n’y avait pas de trace du signe de la roue, ils étaient relâchés.
Ta Kohé y emmena aussi Baksei Cham Krong avec les autres enfants. Il le fit entrer et prit les paumes des mains de son petit-fils pour les mettre sur la farine. Lorsque les mains furent retirées, on y trouva nettement les traces du signe de la roue.
Pendant que les hommes se disputaient, semant le désordre pour regarder les traces sur la farine, Ta Kohé, sentant le danger, saisit Baksei Cham Krong, le porta dans ses bras et s’enfuit. Il avait pu sortir, car le tumulte était grand, et les contrôleurs ne purent les arrêter.
Ceux-ci portèrent cette affaire à la connaissance de Sa Majesté qui ordonna de lever les troupes pour aller poursuivre et arrêter Baksei Cham Krong.
Ta Kohé alla dire à son épouse ce qui s’était passé en tous points, puis lui demanda de préparer des vivres. Ensuite, il alla reprendre Baksei Cham Krong; et le portant dans ses bras, il s’enfuit à travers les forêts.
Au matin, ils quittèrent leur lieu de repos, et arrivant sur le bord du fleuve, ils ne trouvèrent pas de barque pour passer sur l’autre rive. Ayant vu un grand arbre rokar se dressant sur leur rive, et un grand arbre lovea sur l’autre rive, Baksei Cham Krong invoqua :
« Si je possède des mérites (Mean Boun) et dois vraiment monter sur le trône, que l’arbre rokar se courbe en avant, que l’arbre lovea s’incline à sa rencontre ».
Les deux arbres s’inclinèrent alors à la rencontre l’un de l’autre selon l’invocation. Ils traversèrent le fleuve et réussirent à rejoindre la rive orientale. C’est ainsi qu’il existe, depuis ce moment et jusqu’à nos jours, des villages appelés Roka Kong et Lovea Té.
Le roi Prom Kel régna 20 ans et décéda à l’âge de 31 ans, en l’année du Lièvre, neuvième de la décade. Alors les dignitaires et tous les mandarins, ayant appris que Baksei Cham Krong possédait des mérites miraculeux, se réunirent et se mirent d’accord pour aller inviter Baksei Cham Krong à quitter la région du Phnom Prâsiddh. Ensuite, ils l’invitèrent à monter sur le trône.
1.4. La légende de l’auguste Trâsâk Phaèm
En 1782 de l’auguste ère bouddhique, 1238 de l’ère chrétienne, le roi Sihanouk Reach monta sur le trône à l’âge de 19 ans et résida à la Grande Cité (Moha Nokor).
« Sous ce règne, il y eut un ermite appelé Preah Botum l’Ermite, fils du roi Chakrâpoat, le sizième roi, et qui s’était enfui pour devenir ermite dans la forêt de Phnom Khochol, au moment où Dombâng Krânhoung avait usurpé le trône.
Cet ermite s’adonna à la méditation, puis longtemps après, il en fut fatigué. Alors, il entendit les animaux dire entre eux :
« Cet ermite est un homme malheureux. Il n’a pas d’épouse et d’enfants pour continuer sa lignée. Même le Bouddha qui est le Maître a possédé d’abord femme et enfant avant d’aller se faire religieux ».
Ayant ainsi entendu la conversation des animaux à son sujet, et trouvant justes leurs paroles il quitta l’état d’ermite et épousa une femme.
En l’année du Serpent, troisième de la décade, ils eurent un fils appelé Chau Ta. Devenu grand, ce fils était doté d’un physique très beau, d’une intelligence vive, d’un jugement qui connaissait le faux et le juste, d’une mémoire qui pouvait retenir les conseils de ses parents. Alors, le père repartit se faire ermite, laissant Chau Ta en compagnie de sa mère.
Par la suite, Chau Ta prit congé de sa mère pour aller prendre des nouvelles de l’ermite son père dans la forêt de la montagne. Lorsqu’ils se rencontrèrent, l’ermite mit son fils au courant de leur lignée royale. Il lui prédit les faits qui réalisèrent tous:
« A l’avenir, mon fils régnera sûrement, continuant notre lignée ».
L’ermite donna alors à Chau Ta un morceau de pierre ferrugineuse et trois grains de concombre, lui disant :
« Prends-les et plante-les pour gagner ta vie ».
Chau Ta les reçut et prit congé de l’ermite pour revenir vivre avec sa mère. Longtemps après, sa mère, devenue âgée, mourut. Chau Ta cultiva un champ et y planta des concombres, seul dans la forêt de Phnom Chrov.
Un jour, un buffle appartenant à un habitant brisa la clôture et entra manger les concombres du potager. L’ayant vu, Chau Ta prit le morceau de pierre ferrugineuse pour aller menacer le buffle qui refusa de sortir de l’enclos. Alors Chau Ta prit le morceau de ferrugineuse et le lança. Elle transperça les côtes du buffle qui tomba raide mort.
Le propriétaire du buffle porta l’affaire devant le juge.
Le juge n’osa pas trancher cette affaire. Il la porta à la connaissance du roi qui ordonna d’apporter du bois, de creuser la terre et de planter des poteaux, puis d’y attacher le buffle mort. Le souverain, pour mieux comprendre le déroulement des péripéties ordonna à Chau Ta d’apporter le morceau de pierre ferrugineuse et de la lancer sur le ventre du buffle, qui fut transpercé de part en part. Voyant cette chose extraordinairement merveilleuse, le roi trancha l’affaire en la jugeant la conséquence logique du karma de l’animal. Il réfuta l’accusation.
Le roi fit conserver le morceau de pierre ferrugineuse ; il ordonna à Chau Ta de cultiver des concombres et de les lui offrir quelque soit la saison. Conformément à l’ordre royal, Chau Ta fit pousser des concombres qu’il remettait régulièrement au roi. Le roi leur trouvait une saveur plus exquise que celle de tous les autres concombres. Il prit alors Chau Ta en affection et changea son nom en Neay Trâsâk Phaèm. Puis il ordonna aux artisans de fondre le morceau de pierre ferrugineuse pour en faire une lance de même forme que l’épée du roi. Il la donna à Neay Trâsâk Phaèm de la porter pour garder son champ. Il lui accorda le privilège :
« Si un homme ou un animal entre pour cueillir, détruire ou voler les concombres dans le champ, vous pourrez le tuer sans avoir à encourir la moindre peine ».
Tous les dignitaires, les mandarins de tous les services, les serviteurs royaux et les gens du peuple connurent tous cet ordre du roi. Les gens du peuple qui habitaient près du jardin de Chau Ta le respectaient et l’appelèrent Ta Trâsâk Phaèm.
Un jour, un événement se produisit dans le cœur du roi, qui ordonna de préparer un cortège pour l’accompagner dans son voyage. Le souverain accompagné de sa suite cheminant à travers les bois, les montagnes atteint la forêt de la province de Sâmrong Tong, située au Nord du champ de Neay Trâsâk Phaèm. Le roi ordonna de faire halte dans cet endroit.
La nuit venue, le roi appela deux pages de confiance pour l’accompagner ; le roi, montant à cheval, se rendit au champ de Neay Trâsâk Phaèm. Là, il descendit de son auguste monture et, ordonnant d’attacher le cheval en le cachant près du champ, il emmena les pages pour entrer dans le jardin, et vérifier si Trâsâk Phaèm surveillait la plantation conformément à son ordre.
Or Neay Trâsâk Phaèm assurait soigneusement la garde du jardin. Ayant vu des hommes entrer dans l’enclos, croyant avoir affaire à des voleurs ordinaires, il lança sa lance sur la personne du roi. Ce dernier s’effondra mortellement touché.
Les deux pages saisies d’effroi s’enfuirent en courant rapportés aux dignitaires et aux mandarins les circonstances de la mort du souverain.
Ayant vu un homme tomber, Neay Trâsâk Phaèm s’éclairant à la lumière d’une torche reconnut le roi son maître. Tremblant de peur, il prit le roi dans ses bras. Les larmes aux yeux il émit une litanie de lamentations.
Ainsi prit fin le règne de sa Majesté Sihanouk Reach qui régna 53 ans, décédés accidentellement à l’âge de 71 ans, en l’année du Tigre, deuxième de la décade. Les ministres, les dignitaires, les mandarins de tous les services, les serviteurs royaux, les brahmanes, les astrologues, les achar qui l’avaient accompagné, rendirent hommage à la dépouille du souverain. Ils se réunirent, jugèrent que Neay Trâsâk Phaèm n’était pas coupable, la cause du décès relevait du karma du souverain qui l’avait amené à édicter l’ordre funeste et ils virent dans Neay Trâsâk Phaèm un Etre -de -mérites.
Ils invitèrent le jardinier à succéder au souverain. Effrayé, celui-ci déclina d’abord l’offre avant de se rendre aux arguments des serviteurs royaux. Neay Trâsâk Phaèm munis de sa lance victorieuse fut conduit en grande pompe à la Grande Cité (Moha Nokor) où il épousa la fille du roi, Son Altesse Chandaravattei et fut couronné roi.
2. L’ÉPOPÉE DES NEAK MEAN BOUN DANS LES CHRONIQUES ROYALES DU CAMBODGE : PARTIE HISTORIQUE
2.1. L’histoire de Sdach Kân
Au 16ème siècle apparaît un Neak Mean Boun nommé Neay Kân sous le règne de Preah Srey-Sokonthor-bat (1504-1512). Le roi Sokonthor-bat avait succédé à son père à l’âge de 32 ans.
Adhémard Leclère dans son ouvrage Histoire du Cambodge écrit :
« C’est alors que son frère, le chauponhéa Chant-réachéa, ainsi nommé Chant (Lune) de ce qu’il était né au cours d’une éclipse de lune, mécontent de n’avoir pas été choisi par les hauts dignitaires, sortit de la ville, se retira à Chado-moukh, leva une armée et s’y établit en rebelle.
Peu de temps après son sacre, le roi Sokonthor-bat quitta Lovêk et vint s’établir au toul ou plateau de Basan, dans la province de Srey-Santhor, à l’endroit même que son grand-père, le ponhéa Yéat, avait choisi pour établir sa capitale, puis qu’il avait abandonné pour aller s’installer à Chado-moukh ou Phnôm-Pénh. Cet endroit lui plut, disent les chroniques, parce qu’il était facile à défendre, étant enfermé entre un grand lac à l’est, le grand fleuve Mékong au sud-est et la forêt.
Vers ce temps, un homme nommé Pichey-néak et sa femme, mé Ban, pol préah d’origine, offrirent au roi leur fille qui était très belle. Le roi l’accepta et la plaça au nombre des snâm-êk, c’est-à-dire du premier groupe des concubines qui vient après celui des reines. Il nomma son père grand dignitaire, autorisa sa mère à prendre le titre de néak mé-Ban et plaça le frère, néay Kân, parmi ses moha-lêk ou gardes du corps. Plus tard, cet pol préah obtint le titre d’oknha moeun-snêha-châmchoet.
Cette famille, étant devenue riche, acquit une certaine influence dans le pays et eut bientôt une importante clientèle de gens qu’elle protégeait. C’est alors que le roi résolut de racheter la snam-êk et son frère qui, étant nés esclaves des Trois-Joyaux, étaient demeurés dans cette condition malgré leur élévation. Les dignitaires, consultés par lui, déclarèrent qu’une famille pol-préah (esclave de l’Eminent, du Bouddha, de pagode) ne pouvait cesser de l’être parce que celui qui l’avait offerte aux Trois-Joyaux l’avait offerte pour 5.000 années, que le roi lui-même ne pouvait transgresser cette règle sans passer aux yeux du peuple pour un homme dénué de respect pour la religion du Bouddha.
Un mois plus tard, alors que le roi paraissait ne plus songer à cette émancipation, la snâm-êk tomba malade. Le roi qui l’aimait beaucoup, fit le vœu, si elle guérissait, de la maintenir dans sa condition de pol-préah et d’élever un temple où elle travaillerait régulièrement pour le Bouddha. La snâm-êk guérit et le roi fit élever le temple promis et dresser les séma ou bornes limites du terrain sacré. Cela fait, il fit tendre de draperies la route qui, de son palais, conduisait au temple, afin que la snâm-êk ne pût être vue au passage, puis il décida qu’elle irait tous les thngay-sel ou jours saints arracher, conformément à sa condition de pol préah, les herbes qui pousseraient autour du temple. Plus tard, ces draperies furent remplacées par une haie et le temple reçut du peuple le nom de véath Prey-bang « temple de la forêt qui masque ou du rideau d’arbres ». C’est de cette snâm-êk que naquit le prince ponhéa Yos.
Le roi aurait voulu faire du frère de sa snâm un grand dignitaire, mais comme il redoutait les critiques des mandarins qui ne pouvaient oublier son origine pole, il ne l’éleva qu’au grade de khun-luong préah sdach sammahah sénathipdey, « agent royal du roi, surveillant qui commande en chef », grade qui, plaçant sous ses ordres quatre mandarins, le faisait chef de tous les pols préah et censeur principal des mœurs. Il le chargea en outre de réprimander et de punir les sacrilèges et ceux qui manqueraient de respect aux achars (acarya) lettrés et aux vieillards.
Se voyant un grand mandarin, beau-frère du roi et oncle d’un prince, l’ex-pol Kân, dit le texte, eut le cœur arrogant, « se donnait du col » et affectait de mépriser les hauts dignitaires. Ceux-ci se liguèrent contre lui et le compromirent dans l’esprit du roi.
Un jour du mois de chêt (fin avril ou commencement de mai) de l’année 1508, la nuit qui suivit la fête du premier jour de la nouvelle année, le roi rêva que le royaume était troublé, et qu’il s’enfuyait avec ses gens devant un grand dragon qui vomissait une salive venimeuse et des flammes qui incendiaient sa capitale, puis qui, ayant saisi le parasol royal, dans sa terrible bouche, s’enfuyait dans la direction de l’est. Très ému de ce cauchemar, le roi se rendit dans la salle des délibérations où se trouvaient des membres de la famille royale et les grands dignitaires du royaume. Comme on lui offrait l’eau parfumée, les bougies et les guirlandes de l’hommage (thvay tuk, thvay tien, ning méaléa) et qu’il souhaitait à chacun bonheur et prospérité, il crut, alors qu’il promenait ses yeux sur l’assemblée, voir deux dragons, le mâle et la femelle, au-dessus de la tête du khun-luong Kân. Surpris, il demanda aux gens qui étaient proches de lui s’ils voyaient les deux dragons. Sur leur réponse qu’ils ne les voyaient pas, l’inquiétude le prit très fort. A ce même moment, le gouverneur de Battâmbang l’informa que l’eau de la grotte du mont Banônt, destinée aux bains du roi, était devenue rouge comme la laque. Le roi rentra très inquiet dans ses appartements. Il appela le préah Esey-phat moha-réachéa-krou qui était le chef des bakou, et le préah Horathypdey, grand devin du royaume, et leur dit son rêve et sa vision dans la salle des audiences. Alors le chef des bakou lui dit que le préah khant avait, le matin, été trouvé marqué de taches de rouille dans sa gaine et que cela était un signe de mauvais augure, un signe que le royaume allait être troublé. Quant au grand devin il déclara que ses calculs, le rêve et la vision du roi annonçaient qu’un individu né dans l’année du Dragon lui disputerait la couronne et régnerait dans la direction de l’est.
Le roi fut terrifié et comme le khun-luong Kân, né dans une année du Dragon, était tout indiqué il devait être victime du complot habilement tramé par les hauts dignitaires que sa morgue avait réunis contre lui. Sa perte fut résolue et, bientôt, le roi donna l’ordre de noyer dès le lendemain son beau-frère dans le fleuve, à l’aide d’un épervier, au cours d’une partie de pêche qu’il avait commandée.
La snam-êk, sœur de Kân, qui était derrière la portière, entendit vaguement les paroles du roi, ne comprit pas tout, mais devina qu’il se tramait quelque chose contre son frère. Le lendemain, au cours de la pêche à laquelle elle prenait part en compagnie des femmes du palais et des épouses des dignitaires (châmteau et khonang), elle était si inquiète qu’elle écrivit à son frère un billet qu’elle mit au centre d’une boule de riz et fit porter à son bateau par une de ses suivantes, afin de l’inviter à se tenir sur ses gardes, le khun-luong, surpris de recevoir de sa sœur une boule de riz, comprit qu’elle contenait quelque chose et se retira derrière une touffe d’arbres pour la casser. Le billet qu’il y trouva était ainsi conçu : « Méfiez-vous, mon frère, on veut vous perdre. Si le roi vous ordonne de vous jeter à l’eau, obéissez, mais plongez, et éloignez-vous rapidement de l’endroit où vous aurez plongé, et ne revenez plus. »
Le khun-luong fut stupéfié à cette heure et très effrayé, il éleva le billet au-dessus de sa tête, joignit les mains et, s’adressant aux tévodas, dit les paroles suivantes : « Je suis un serviteur très fidèle et dévoué. Je suis innocent. O tévodas, protégez-moi ; je n’ai que vous maintenant pour me protéger. »
Cette prière faite, il alla rejoindre les dignitaires.
La pêche commencée, le roi jeta son épervier dans un endroit qu’on lui désigna et qui était plein de racines d’arbres, afin qu’il s’y prît. Ce qu’on espérait arriva, et Kân, qui était bon nageur, fut invité par le roi à plonger pour aller détacher le filet. Il se jeta au fleuve et les mandarins lancèrent sur lui et autour de lui leurs éperviers tous à la fois, afin de l’étouffer sous l’eau ; mais l’ancien pol était un habile homme, il parvint à s’enfoncer, à écarter les filets et à s’enfuir loin de l’endroit où se trouvaient les gens qui voulaient le perdre. Bientôt, la profondeur ayant diminué, il put prendre pied et marcher sur le fond, de manière à ne laisser que sa tête au-dessus de l’eau. Il atteignit ainsi un petit lac, le boeng Totéa, ou des Tourterelles, et s’y tint caché jusqu’au jour.
Pendant ce temps, le roi, voyant que le cadavre de Kân ne se retrouvait pas dans les filets et que les plongeurs ne parvenaient pas à le découvrir, murmurait : « Cet homme est maintenant comme un tigre échappé de sa cage, il reviendra pour nous donner des marques de sa reconnaissance (sângkun) ». Kân parvint à échapper aux soldats qu’on avait mis à ses trousses et à gagner le monastère où demeurait le religieux qui l’avait élevé et instruit. Celui-ci lui conseilla de se retirer vers l’est et d’y attendre sa destinée.
Il partit, se cacha longtemps, puis, un jour, il fit secrètement venir ses domestiques, apporter ses armes dans la forêt de Dâr où il se cachait et s’en alla dans la province de Bâ-phnôm. Il y assassina le gouverneur au milieu de ses krômokar (fonctionnaires), disant ceci et cela, d’abord qu’il était rebelle et qu’il s’était mis d’abord avec le prince ponhéa Chant-réachéa, lequel ayant été chargé par le roi d’une sorte de vice-royauté à Chadomouk affectait de gouverner les provinces de l’ouest en son propre nom. Puis, s’adressant aux fonctionnaires terrifiés, il leur dit qu’il venait, en mettant à mort le gouverneur, d’exécuter les ordres du roi et qu’il était chargé, de lever une armée dans la province. Quelques jours plus tard, il déclara que cette armée serait levée non pour le roi, mais pour lui, qu’il s’emparerait de Bassan, la capitale, et placerait son neveu, le ponhéa Yos, sur le trône. « Vous qui n’avez pas déplu au roi, ajouta-t-il, vous n’avez pas à vous mêler de cette affaire; faites ce que vous pourrez pour servir le roi si vous lui êtes attaché, mais sachez que, lorsque j’aurai le pouvoir, les pols deviendront libres, les libres qui m’auront servi deviendront mandarins, les mandarins qui m’auront aidé deviendront d’autant plus grands dignitaires qu’ils m’auront mieux servi. »
Ce discours entraîna les mandarins, les gens de la province et, bientôt, Kân eut une armée solide sous ses ordres. Il la divisa en plusieurs corps et les envoya conquérir les provinces voisines.
La rébellion gagna si vite que le roi, sur les conseils du yumréach, son ministre de la justice, invita le préah-Pichey-néak, père de Kân, à écrire à son fils pour l’inviter à se soumettre. La snam-êk elle-même écrivit à son frère et lui promit que le roi l’élèverait au rang de haut dignitaire s’il revenait à la cour. Kân, ayant lu la lettre de son père et celle de sa sœur, amusa les envoyés du roi en leur promettant de rentrer dans la capitale quand il aurait disloqué ses bandes et renvoyé chez eux qui les formaient. Puis quand ces envoyés furent partis, il lança une proclamation informant les populations que le roi l’avait nommé général (mékang-téâp) et chargé de détruire le chauponhéa Chant-réachéa qui venait de prendre les armes contre lui, et qu’il donnerait cent taëls d’or et ferait grand dignitaire celui qui parviendrait à tuer ce prince rebelle. Beaucoup d’hommes accoururent à son appel et, bientôt, il se trouva avoir une multitude autour de lui.
Sa sœur, apprenant ce qui se passait, lui envoya de nouveau une de ses femmes le prier de renoncer à ses projets, de rentrer dans la capitale de Lovêk où le roi venait d’arriver et l’assurer que le roi lui pardonnerait sa rébellion s’il faisait sa soumission immédiate, que sinon, il viendrait lui-même avec une armée pour le prendre, et qu’alors sa sœur ne pourrait plus le protéger.
Kân répondit qu’il rentrerait à Lovêk aussitôt que ses hommes auraient regagné leurs villages et qu’il irait le mois prochain se présenter au roi, que sa sœur n’avait pas à s’inquiéter, car il n’avait pas l’intention de se révolter. Le roi décida alors d’attendre la fin du délai fixé par Kân et n’ordonna rien contre lui. Kân profita de ce répit pour renforcer son armée, exercer ses soldats, soulever d’autres provinces et persuader aux habitants que toutes ses troupes n’étaient levées par lui qu’en vue de réduire le prince rebelle qui paraissait s’être taillé un royaume dans le sud et qui tenait sa cour à Châdo-moukh (Phnom-pénh). Cette opinion, qui se chuchotait partout, fut bientôt celle de tous les gens du royaume et ne laissa pas d’énerver la population et de la désorienter. Le prince ponhéa Chant lui-même crut à une entente existant entre le roi et Kân et que la correspondance avait lieu à l’aide des femmes de snâm-êk, et qu’il était lui l’objectif de cette entente. Pris de peur, il quitta de nuit Chado-moukh et s’en fut en passant par Pôthisath, Pursath, demander asile et protection au roi de Siam (1508). Le ponhéa Chan-réachéa avait alors 23 ans.
Cependant qu’il fuyait au Siam et que le roi du Cambodge attendait Kân à Lovêk, celui-ci réunissait ses conseillers et leur disait : « Autrefois, je ne craignais qu’un seul homme, le chau-ponhéa Chant-réachéa, maintenant qu’il a fui au Siam, je n’ai plus rien à craindre et, si nous le voulons, le royaume est à nous. » Ces paroles ayant été applaudies, il rassembla son armée et la divisa en quatre corps : le corps d’avant-garde, le corps de droite, celui de gauche et le corps d’arrière-garde, puis prenant le commandement d’un autre corps d’armée comptant 10.000 hommes bien armés et dévoués, il alla camper à l’extrémité de la province de Srey-Santhor.
C’est alors seulement que le roi donna 3.000 hommes au chau-ponhéa youthéa-sangkréam et à l’oknha châkrey, ministre de la guerre, l’un général de l’avant-garde, l’autre général en chef, et qu’il les chargea de se porter au devant de l’armée de Kân pour l’observer, la contenir, en attendant l’arrivée de l’armée qu’il allait lever et mettre sous le commandement du chau-ponhéa Chant-réachéa. Mais, comme il donnait cet ordre, un dignitaire lui apprit que ce prince avait disparu de Châdo-moukh, il y avait deux jours et qu’il s’acheminait vers le Siam avec 50 hommes. Le roi fut accablé par cette nouvelle et murmure : « Ah! Mon frère, vous ne deviez pas vous sauver ainsi et m’abandonner à pareille heure. » Puis il rentra désespéré dans ses appartements.
Cependant, l’armée partit et l’avant-garde se trouva un matin en présence de l’armée que commandait Kân. Celui-ci, monté sur un bel éléphant, se tenait au milieu de son armée sous un parasol royal. Le chauponhéa youthéa-sângkréam s’approcha et lui cria : « Vous ne devez pas agir comme vous le faites envers le roi, qui vous a fait ce que vous étiez à la Cour et qui vous aimait. » A ces mots, Kân fit avancer son éléphant sur le front de l’armée et demanda au sângkréam s’il était chargé par le roi de traiter de toutes choses avec lui, puis, sans attendre sa réponse, il lui décocha une flèche qui l’atteignit à la gorge et l’abattit au pied de l’éléphant qu’il montait. A cette vue, l’armée royale commença de battre en retraite. Elle rencontra le petit corps d’armée que commandait le châkrey et l’entraîna dans sa déroute jusqu’à Kouk-khant, où le général, ayant pu rétablir l’ordre, s’arrêta pour camper et fermer la route à l’armée des rebelles qui le suivait.
Le roi, informé de cette défaite par une lettre du châkrey qui lui demandait des secours, rassembla son Conseil. Le yumréach déclara alors que Kân s’approchait avec une armée victorieuse, que les levées faites dans les provinces du nord n’étaient pas achevées et que l’armée royale de la capitale comptait 10.000 hommes à peine, tous occupés au service des grand-gardes, à la surveillance des routes et à la garde des portes et des remparts. Il conseilla au roi de se retirer à Châdo-moukh avec la cour, afin de pouvoir lever des troupes dans les provinces du sud et de revenir ensuite avec une grosse armée, pour faire tête à l’ennemi. « Pendant ce temps, dit-il, moi et le châkrey nous nous placerons à l’arrière-garde de l’armée et nous combattrons afin d’empêcher Kân de vous atteindre et de s’emparer de la cour. »
Le pichey-néak, père de Kân, très fâché contre son fils, demanda une troupe de 1.000 hommes pour l’aller combattre, et offrit au roi, pour répondre de lui, sa famille et ses parents qui suivaient la cour partout où elle irait. « Si je trahis, dit-il, si je me range du parti de mon fils, je demande à être tué par toutes les armes et par tous les moyens cruels qu’on voudra, et que ma famille, mes parents, soient tous exterminés par vous. » Le roi, convaincu par le pichey-néak, lui fit remettre 1.000 hommes et donna l’ordre aux habitants de la ville et des environs de se retirer dans la province de Lovêk où se formait une armée de 25.000 hommes, puis il s’embarqua avec la cour pour Châdo-moukh.
Le yumréach et le châkrey, ne voyant pas paraître les troupes sur lesquelles ils comptaient et se trouvant en présence de Kân dont l’armée comptait 50.000 hommes, commencèrent à battre en retraite sur Châdo-moukh. Kân les suivit et, se trouvant près de l’armée du châkrey, l’attaqua, tua son général, la mit en déroute et la poursuivit jusqu’aux portes de la capitale. Là, il rencontra un petit corps de 1.000 hommes qu’il savait commandé par son père : « Courez à ces gens, cria-t-il, et tuez, tuez-les tous, sauf mon père. » Les hommes s’élancèrent et entourèrent comme un essaim d’abeilles la petite troupe. Le pichey-néak combattit avec énergie, mais sa troupe étant trop faible pour résister à toute une armée, il ordonna la retraite et parvint à s’enfuir par la principale route, celle qui conduisait à Chado-mouk. Il n’avait plus que 500 hommes avec lui, mais ne perdant pas courage, énergique, il gagna le monastère du préah sokonthéa-bat, le grand chef des religieux, s’y enferma et résolut de s’y défendre jusqu’à la mort.
Les rebelles entourèrent le monastère transformé en petite forteresse et commencèrent à l’attaquer. Le combat fut acharné, et il y eut beaucoup de morts des deux côtés, sans que, cependant, l’un des deux partis fût vaincu. Alors, pris de pitié pour ces gens qui s’entretuaient, le chef des religieux, malgré son âge, se jeta entre les deux armées et les invita à déposer les armes. Puis, faisant venir Kân, il l’invita à faire des excuses au pichey-néak, son père ; enfin, s’adressant au pichey-néak, il lui dit que son fils était destiné à la royauté du Cambodge et qu’il ne pouvait pas s’opposer à sa destinée, mais la suivre. « Vous me demandez, répondit ce dernier, la mort de ma famille et celle de tous mes parents », puis, furieux, il s’élança son sabre à la main sur son fils pour le tuer, mais, saisi par les hommes de l’escorte, il fut enfermé et gardé dans le temple du préah sokhonthéa-bat.
Quand on le tint là, le chef des religieux l’exhorta si bien qu’il triompha de sa résistance et qu’il l’amena à monter avec son fils, sur un tas d’armes grand de la hauteur d’un homme, pour se jurer publiquement et solennellement alliance. Pendant que l’un et l’autre prêtaient ce serment devant toute l’armée, le préah sokhonthéa-bat les aspergeait d’eau consacrée.
La cérémonie terminée, le sdach Kân donna l’ordre de prendre toutes les armes qui avaient servi à élever l’estrade du serment et de les employer à construire la route du monastère. C’est de cette route ou digue, thnâl, que le temple a reçu le nom de véath Préah-Thnâl, temple de la digue sacrée.
Le sdach Kân faisait alors lever des troupes dans les provinces de l’est ralliées à sa cause. Quand ces troupes eurent rejoint son armée, il divisa ses forces en deux corps et se mit en route avec l’un d’eux dont il prit le commandement pour aller mettre le siège devant Châdo-moukh.
A la nouvelle de son approche, le roi donna l’ordre à l’armée de se porter au devant de Kân. La bataille dura trois jours sans rien donner, mais alors Kân envoya de nuit un petit corps qui, partant de l’ouest, vint se placer derrière l’armée royale au sud. Ce mouvement tournant accompli, l’armée royale se trouva, le matin, attaquée à la fois par devant et par derrière. Elle recula, gagna la route du nord et s’enfuit jusque dans la province de Lovêk.
Le roi et la cour allèrent alors s’installer dans la province de Sântouk, sur la rive du sting Sên, à peu près à l’endroit où se trouve aujourd’hui Kômpong-thom. C’est de là que partirent dorénavant les ordres que le roi donna de lever de nouvelles troupes et les dignitaires chargés de les commander.
Victorieux de l’armée royale qu’il avait réduite à la fuite et du roi qu’il avait contraint à se retirer au nord, maître de Châdo-moukh, Kân nomma des chefs de provinces, des dignitaires petits et grands et envoya des gens sûrs pour entraîner les provinces de l’ouest et celles du sud à prendre parti pour lui. Les suivantes se déclarèrent : Châdo-moukh, Sâmrong-tong, Bati, Trâng ; Banteay-méas, Péam, Kompot, Kômpong-sôm, Basak (Travinh), Préah-Trapéang, Krâmuon-sâ, Au-mal, Tuk-kmau, Péam-mé-Sa, Prey-kor (Prey-nokor, Saigon) et Baréaya-Daugn-nay (Baria et Don-Nay), c’est-à-dire toute la partie méridionale du Cambodge depuis Phnôm-Pénh jusqu’à la mer de Siam et à la frontière chame. Tous les habitants l’acclamaient, l’acceptaient comme roi parce qu’il passait pour un néak-méan-bon, « un homme doué », un « homme prédestiné », un homme ayant des pouvoirs surnaturels. On racontait des histoires merveilleuses sur son compte ; d’abord qu’il était tombé du sein de sa mère dans l’eau, coiffé du placenta, qu’un poisson tipô l’avait avalé, qu’un religieux l’avait retrouvé dans le ventre de ce poisson et instruit, qu’un dragon l’avait sauvé des filets royaux, que des colombes l’avaient dérobé aux yeux des gens du roi qui le cherchaient en se posant sur sa tête comme sur un tronc d’arbre et que tous ses succès provenaient des mérites qu’il avait acquis au cours d’une autre existence. (...) »
Sdach Kân se fit couronner roi du Cambodge, sous le nom de sâmdach préah Srey-Chéttha-thiréach Ramathipdey, et trôna à krung Srey-Sânthor bavâr Bassan.
Il fut le premier roi du Cambodge, dit-on, qui fit frapper des monnaies plates, des slêng d’or à l’effigie du Dragon.
2.2. Pokombo
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle sous le protectorat français, éclate une révolte importante fomentée par un dénommé Pokombo qui rassembla une grande partie de la population excédée par l’administration du roi Norodom et les exigences de la domination française. Les paysans le considéraient comme un Neak Mean Boun qui les libérait du joug royal et français.
Jean Moura dans son ouvrage Le royaume du Cambodge écrit:
« Pucombo arriva à Compong-thom, chef-lieu de la province de Compong-Soai, le dernier jour de novembre 1867. Ce jour-là se passa sans le moindre orage ; mais, dès le dernier moment, l’habile agitateur jugea bien qu’il était attiré dans une embuscade, car, si l’on ne songeait pas encore à l’inquiéter, personne ne se présentait non pour l’accueillir et pour lui offrir le concours qu’on lui avait fait espérer. Enfin, en attendant les événements, il se résigna à camper avec ses hommes sous un immense banian, en face à une centaine de mètres de la grande pagode du village.
Ce chef rebelle ne se rendait pas compte lui-même du prestige que sa personne exerçait sur les Cambodgiens, qui le considéraient comme une sorte de dieu, et il se creusait la tête pour trouver la raison de l’isolement dans lequel on le laissait, après l’avoir appelé, ou de l’indécision que l’on mettait à l’attaquer, si telle était l’intention de ceux qui lui avaient écrit. Le prestige immense exercé par cet homme sur le faible esprit des Khmers avait pour ainsi dire grandi à cette heure suprême. Les hommes les plus résolus, les chefs mêmes du complot, sentirent leur courage faillir tout à coup en présence de cet être extraordinaire et, ce jour-là, personne n’osa faire un pas du côté où il se trouvait. Mais la nuit, les têtes fermentèrent de nouveau ; et, chose remarquable, se [sic, pour ce] furent les femmes qui montrèrent dans cette circonstance le plus d’exaltation, et qui finirent par décider leurs maris et leurs frères à mettre décidément leur projet à exécution dès que le jour paraîtrait.
Le lendemain, en effet, de très bonne heure, la population entière se mit en mouvement ; les hommes s’excitaient les uns les autres et se bousculaient tumultueusement du côté de la pagode. Pucombo était debout au pied du figuier sacré, entouré de ses hommes massés autour de lui sur plusieurs rangs et décidés à défendre leur chef jusqu’à la dernière extrémité. La lutte s’engagea et devint tout de suite acharnée ; les femmes étaient, elle aussi, sur le terrain encourageant les hommes, renouvelant les munitions, chargeant les armes et s’empressant auprès des blessés. Du côté des rebelles, les pertes étaient plus sensibles, mais ceux qui n’étaient pas grièvement atteints serraient leurs rangs de manière à former une sorte de rempart autour de leur maître et empêcher les balles et les flèches d’arriver jusqu’au lui… »
3. L’ÉPOPÉE DES NEAK MEAN BOU DANS LA LITTÉRATURE
Le thème de Neak Mean Boun abonde dans les jàtaka canoniques, extra-canoniques, les romans classiques, les contes et légendes... On se limitera à évoquer quelques exemples types.
3.1. Dans le Vessantara-jàtaka
Parmi les 547 jâtaka canoniques, c’est la dernière histoire, le Vessantara-jàtaka qui est la plus connue et la plus souvent représentée dans tout le royaume du Cambodge. L’histoire de Vessantara ou Vésandâr (en khmer), le roi charitable, de Neang Métri (en pàli Maddî) la reine, et de leurs deux enfants, est connue de tous, et peinte sur les murs d’un grand nombre de monastères. Ceci est vrai également pour le Laos, et pour la Thailande où la dernière vie antérieure, est connue sous le nom de Mahàchàt, ou Grande Naissance. L’histoire de Vessantara sous le nom de Mahàcheat ou Mahàcheadâk, la forme khmère écourtée en pàli Mahàjàtaka, Grand jàtaka « symbolise le don de charité et l’abnégation, et est utilisée pour l’instruction et l’édification des fidèles, lors de plusieurs fêtes bouddhiques au monastère. Le vénérable du monastère la lit et la commente, au Cambodge dans diverses fêtes, notamment la fête des morts et lors de la Visakhapùjà (Visak bochea), le triple anniversaire de la naissance, de l’illumination et de la mort du Buddha». Il en est de même au Laos et en Thailande.
Vessantara parvenu au stade de l’ultime naissance celui de Bodhisatva avant son passage dans une existence future au statut de Bouddha. Le Bouddha ou le Bodhisatva dans le texte cambodgien est désigné par l’expression « Préah dâ mean boun » (Le Saint pourvu de suprêmes mérites »). Chaque Bodhisatva doit accomplir une Perfection, pàramî parmi les dix dans la tradition bouddhique. En ce qui concerne Vessantara, il doit achever la dàna-pàramî (« perfection en dons d’aumône et en générosité »). Celui-ci a fait don de son éléphant blanc apportant de la fécondité pour les habitations, de son char, de ses chevaux de transports, de ses enfants à un mendiant nommé Chochok (en pàli Jùjaka), de son unique épouse à un brahmane-Indra et il a promis de faire don de son cœur, de son foie, de son sang ou de sa chair à celui qui lui demandera. Il doit accomplir cet ensemble de dons extrêmes pour renaître dans sa future existence comme Bouddha. Voici un résumé succinct de l’histoire de Vessantara :
« Indra invite Neang Phussatei à venir se réincarner dans le monde des humains parce que ses mérites sont expirés « as boun » en retour elle lui demande d’exaucer dix vœux :
- de devenir l’épouse de Srei Sanchey, le roi de Chétudâr ;
- d’avoir de beaux yeux et des sourcils arqués semblables aux bouts recourbés de l’arc victorieux d’Indra ;
- de garder le nom de Phussatei ;
- d’avoir un fils d’une qualité exceptionnelle ;
- d’avoir le ventre plat quand elle serait enceinte ;
- de n’avoir pas les seins pendants ;
- de n’avoir pas de cheveux blancs en vieillissant ;
- d’avoir la peau fine et un teint resplendissant semblable au popil d’or ;
- d’avoir de la puissance pour sauver les êtres vivants de la souffrance ;
- d’avoir des cygnes, des cigognes, des oies et des paons qui chanteraient autour de sa demeure.
Des brahmanes venus du royaume voisin de Kalinga, alors touché par une grave sécheresse, implorèrent le prince Vessantara de leur confier l’éléphant blanc qui assure les pluies abondantes. Celui-ci accepte de donner cet éléphant miraculeux.
Après ce don, les habitants de chétudâr, indignés d’avoir vu partir l’éléphant blanc qui assure leur prospérité, exigent du roi Sanchey qu’il exile son fils. Le prince, accompagné de sa femme Neang Métri, de son fils Cheali et de sa fille Krisna, part sur son char tiré par quatre magnifiques chevaux. Mais des brahmanes mendiants demandent au prince l’aumône de ces chevaux, et Vessantara les leur accorde.
Deux divinités-cerfs s’attèlent d’elles-mêmes au char pour remplacer les chevaux. Le prince fait alors don de son char.
Après avoir abandonné son char, le prince part à pied vers la montagne Vangkât. Il porte son fils, Cheali sur la hanche, tandis que son épouse, Neang Métri tient sa fille Krasna qui est moins lourde.
L’épisode consacré à Chuchok décrit un vieux brahmane qui a une jeune épouse, très jolie, nommée Amittapana. Il la retrouve au retour du puits en pleurs après avoir été battue et insultée par les épouses des jeunes brahmanes du village qui lui reprochent d’avoir épousé un homme vieux et laid. Elle lui réclame des esclaves pour travailler à sa place, et l’encourage à demander à Vessantara de lui offrir ses enfants.
Chuchok se met en route vers la montagne Vangkât. Traversant la forêt, il rencontre deux grands chiens et grimpe sur un arbre pour se mettre à l’abri. Leur maître, le garde forestier et chasseur Chétabot (en pâli Cettaputta) arme son arbalète et la pointe vers Chuchok. Il arrive à convaincre le chasseur qu’il est l’envoyé du roi Srei Sanchey chargé d’inviter le prince Vessantara à rentrer au royaume Chétudâr.
Chuchok en cherchant la montagne Vangkât où habitent Vessantara et sa famille rencontre l’ascète Achoutarusei (en pàli Accutarsî). Il lui demande le chemin de l’ermitage de Vessantara lui faisant croire qu’il est le messager du souverain Srei Sanchey.
Arrivée à l’ermitage de Vessantara, Chuchok demande au Bodhisatva de lui offrir ses deux enfants. Celui-ci accepte à l’insu de son épouse, Neang Métri partie chercher des provisions de fruits et de légumes dans la forêt et qui est retenue sur le chemin de retour à l’ermitage par des dieux métamorphosés en un lion, un tigre et une panthère.
Dans le dixième chapitre, Indra sous forme d’un brahmane descend du ciel demander l’épouse de Vessantara et obtient de Vessantara la main de son épouse. Indra, ayant alors éprouvé toute l’étendue de la charité de Vessantara, reprend sa forme divine et rend Neang Métri à son mari.
Le roi Srei Sanchey et la reine Phussatei proposent à Chuchok de racheter Cheali et Krasna, leurs petits-enfants. Le souverain accorde son pardon à son fils. Accompagné de la reine, se déplaçant sur leurs éléphants royaux, suivis par l’armée, ils se rendent à l’ermitage du prince.
Le roi Srei Sanchey, la reine et les petits-enfants retrouvent Vessantara et Neang Métri. Le treizième chapitre décrit le retour de la famille au royaume de Chétudâr.
Là Vessantara, alors qu’il dort à côté de sa femme et de ses enfants, se réveille à l’aube et s’interroge : « Demain, tous les mendiants sauront que je suis revenu dans la ville royale et dès le matin, ils viendront m’entourer, et certainement me demander l’aumône. Comment vais-je faire pour me procurer des richesses et leur en faire dons? ». Suite à cette réflexion, le trône d’Indra chauffe. Grâce à ses yeux divins, il comprend la noble intention de Vessantara et fait alors tomber dans les quatre directions une pluie de biens, qui s’entassent dans le palais, jusqu’à hauteur de taille, et à l’extérieur jusqu’aux genoux. Les habitants ramassent librement tous les biens nécessaires. Le reste rentre dans le trésor de Vessantara, devenu roi de Chétudâr, et est distribué en guise d’aumône jusqu’à la fin de sa vie.
3.2. Dans les Romans classiques
L’histoire des Neak Mean Boun occupe une place majeure dans des romans « classiques » khmers. Leurs thèmes sont inspirés en grande partie des Pannàsa-Jàtaka (les 50 Jàtaka). Ce genre littéraire composé notamment entre les 17ème et 19ème siècles, époque moyenne de la littérature ou période de la littérature « classique » du Cambodge. « L’Être- de- mérites » est le personnage central de ces romans. Examinons succinctement la trame de deux des romans les plus connus :
Le premier Punnasàr Sirasà, roman versifié du 18ème siècle a été composé par Nong (Nan), poète et chroniqueur du palais en adaptant une histoire des Pannâsa-Jàtaka:
« Autrefois, dans le royaume de Bàrànasî (Peareanasei) régnait un puissant roi Bhavatul Ràjadhipatî. Sa grande reine, d’une beauté divine, s’appelait Sàgaradevî.
Il y avait au paradis un Bodhisatta qui, après l’expiration de sa vie céleste, vint se réincarner dans le sein de la reine Sàgaradevî. La gestation étant à terme, la reine met au monde un fils resplendissant. Le souverain convoque le devin, d’après des calculs magiques il prédit au jeune prince après une longue souffrance un règne illustre. Le roi nomme son fils Sirasà.
Dans ce royaume, un homme immensément riche, Setthî, a un splendide fils qui naît au même moment que le prince Sirasà. Ce garçon porte le nom de Punnasàr.
Devenu grand, son père le confie au roi pour qu’il devienne serviteur et compagnon de jeu du prince Sirasà. Avec leur cinq cents serviteurs du même âge, Sirasà et Punnasàr se promènent dans la campagne et s’amusent à détruire les biens de gens qui portent plainte au souverain. En guise de punition le Maître de la terre défend à son fils de sortir du palais. Outrepassant l’ordre royal, le prince poursuit avec Punnasàr et ses serviteurs leurs sorties et méfaits. Courroucé, le souverain expulse Sirasà et Punnasàr de la cour.
Après sept jours d’errance dans la forêt, ils atteignent un grand figuier, jrai et se reposent sous l’arbre. Un devatà (dieu, divinité), qui réside sur ce figuier, décèle leur appartenance royale. Il leur crée un lit d’or et leur apporte des mets divins. Puis il leur conseille de poursuivre leur halte pendant sept jours avant de repartir. Ils rencontreront le roi des cervidés, dont les deux yeux une fois absorbés seront une source de puissance et de miracle.
Au bout du septième jour, à la fourche d’un chemin, les deux jeunes gens trouvent le cervidé merveilleux en train d’expirer. Connaissant grâce au devatà les pouvoirs que contiennent les deux yeux de cet animal, Punnasàr confie à Sirasà l’œil droit gage d’une royauté illustre pour sa part, il avale l’œil gauche, lequel, qu’il rie ou qu’il pleure, fait pleuvoir de l’or et des pierres précieuses.
Après avoir absorbé chacun un œil, les deux illustres jeunes gens continuent leur chemin et aperçoivent à côté d’un puits une inscription leur disant de se séparer afin d’éviter prochainement de grandes souffrances. Punnasàr se résoud à s’éloigner de son prince. Le chagrin de devoir se séparer le fait sangloter, et aussitôt les joyaux coulent abondamment de ses yeux. Il en rit de satisfaction, et aussitôt l’or et les pierres précieuses se déversent de sa bouche. Arrivés à la bifurcation du chemin, les jeunes gens se séparent.
Après sept jours de marche, Sirasà arrive au royaume d’Ariyadhamm. Très fatigué, il s’endort sur une pierre. Or, le souverain de ce pays vient de décéder, ne laissant aucun héritier mâle. Tous les mandarins, les brahmanes, les devins décident à la fin de leur réunion d’envoyer un char blanc d’agrément, puss rath, et de le laisser partir à la guise les coursiers trouvés eux-mêmes un roi. Ils invoquent toutes les divinités pour qu’elles conduisent le char vers l’Être-de-mérites, anak puny (neak boun). Le puss rath s’arrête près de Sirasà endormi. Le jeune prince est invité à monter sur le trône d’Ariyadhamm. Le souverain céleste des trente trois dieux et toute sa cour, descendent des cieux consacrer Sirasà et la reine Bimbà.
De son côté Punnasàr, au bout de sept jours de marche atteint le pays du roi Cettavatî, avec la reine Dhammariddh ils avaient une fille nommée Sàlit.
Le roi Cettavatî donne une grande fête où il offre à son peuple toutes sortes de spectacles. Punnasàr se rend à cette fête et assiste à une pièce de théâtre. En voyant des scènes comiques, il sourit et aussitôt des joyaux sortent de sa bouche. Ce fait miraculeux est rapporté au roi. Très émerveillé, le souverain donne en mariage à Punnasàr sa fille Sàlit.
Un jour, par ruse, Sàlit découvre le secret de son mari Punnasàr et lui demande de lui montrer l’œil aux propriétés merveilleuses. Le voyant, elle s’empare et l’absorbe. A partir de ce moment, qu’elle rie, ou pleure, elle rejette de l’or et des pierres précieuses en abondance. Le roi trouve désormais la présence de Punnasàr inutile et embarrassante ; il décide de supprimer son gendre. Au cours d’une soirée organisée en l’honneur de Punnasàr il met du poison dans sa nourriture. Apercevant la syncope de ce dernier, la cour prise de panique retourne au palais.
Le figuier sacré, jrai, sous lequel est tombé Punnasàr, est la demeure d’un devatà puissant qui a trois voisins yaks, démons, qui résident sur l’arbre kaes au Nord, sur l’arbre brîn à l’Est et sur le manguier au Sud. Voyant Punnasàr aide par terre inanimé gisant sur le sol, les trois yaks se disputent pour le dévorer. Mais le devatà leur demande de patienter jusqu’à sa mort.
Chacun des démons possèdent un trésor: le premier une balance magique, tràjù, qui transforme tout en or ; le deuxième une jarre merveilleuse, kundî, dont le contenu fait revivre les morts, et le troisième des sandales magiques, spaek joen, qui permettent de voyager dans l’espace. Les trois démons guettent le décès de Punnasàr pour le dévorer.
La nuit venue, sous la fraîcheur de la rosée, Punnasàr, sa tête aspergé par quelques gouttes de la jarre magique, reprend connaissance. Les trois démons, voyant celui-ci s’animer, prennent peur, s’enfuient précipitamment, délaissant leurs objets merveilleux.
Le devatà du figuier sacré, par sa connaissance divine, découvre l’ampleur des mérites puny (boun) acquis par Punnasàr dans une vie antérieure. Il a bâti une pagode, soigné les bonzes, et a été le dieu Indra lui-même au paradis Trai Trins. Cela explique également que les trois grands démons n’ont pas osé le dévorer. Le devatà lui donne sa bénédiction.
Punnasàr acquiert les trois objets et regagne par les airs sa résidence. Son épouse surprise par son retour écoute les péripéties de son mari, les larmes aux yeux elle proclame son innocence. Punnasàr, ayant confiance en Sàlit, lui montre les trois nouveaux trésors en sa possession. La princesse s’empresse de confier ces nouvelles à son père. Le roi convoitant les trésors lui conseille d’emmener Punnasàr se promener dans la forêt Hemabànt, et de lui dérober ses trois objets magiques. Punnasàr qui veut faire plaisir à son épouse, accepte sa demande et la transporte dans les airs grâce à ses sandales magiques. Arrivé à la forêt Hemabànt, le couple royal se promène, et se baigne. Sous la fraîcheur du vent, Punnasàr se repose, posant sa tête sur le sein de sa femme et s’endort profondément. Pendant ce profond sommeil, Sàlit s’empare des trois trésors, la balance, la jarre et les sandales. Après avoir fait ses selles sur la tête de son mari, elle regagne par les airs le palais et remet à son père les objets magiques.
A réveil Punnasàr ne voit ni son épouse, ni ses trésors. Il se lave et enlève les souillures de sa tête. Très affligé, il invoque les devatà et se recueille sous un figuier sacré.
Un devatà, aux yeux divins, voit son passé et demande aux yaks de la forêt Hemabànt de prendre soin de cet illustre être. Le devatà se métamorphose en grand tigre et saute sur le figuier sacré. Mangeant ses divers fruits, il se transforme successivement en singe, en aigrette, en ours, et en homme d’une grande beauté doté d’une grande puissance. Ayant retenu les vertus spécifiques de ces fruits merveilleux, Punnasàr les classe soigneusement selon leur propriété. Il mange le fruit qui le métamorphose en aigrette. Il prend son vol vers le palais de son épouse Sàlit et se perche sur sa fenêtre. L’aigrette dit à Sàlit qui elle est, et, consommant un fruit de figuier sacré, elle se change en un jeune homme d’une beauté divine.
La princesse rapporte ses faits à son père, qui convoque Punnnasàr, et rejette la faute sur sa fille. Le souverain pour gagner ses grâces promet le trône à son genre. Mais ce dernier a compris le stratagème de son beau-père; pour se venger, il offre au roi et à ses proches de les rajeunir. Punnnasàr leur offre le mauvais fruit, le souverain, la reine et leurs courtisans sont changés en singes.
Punnasàr, qui a enfermé son épouse Sàlit dans son palais, revient vers elle, la corrige pour ses méfaits et lui accorde son pardon. Sàlit est affligée de savoir ses parents transformés en singe. Résignée elle demande à son époux de monter sur le trône. Après son couronnement, Punnasàr, grâce aux objets merveilleux qu’il s’est fait restituer, crée des trésors en abondance qu’il distribue au peuple ; il fait revivre les morts. Les débuts du règne de Punnasàr inaugurent une ère de paix et de prospérité.
Au quatrième mois de son intronisation Punnasàr pense à son ami Sirasà et décide de partir avec Sàlit lui rendre visite. Son ami l’accueille chaleureusement dans son royaume. Punnasàr raconte à Sirasà tout ce qui s’est passé et lui présente ses trois objets merveilleux avec leur vertu spéciale. Il veut les confier à Sirasà, mais ce dernier n’accepte que la jarre magique qui ressuscite les morts. Sàlit désormais fidèle rend l’œil du roi des animaux à son époux qui s’empresse de l’avaler.
Sirasà confie alors la moitié de son royaume de Jambùdvîp à son ami Punnasàr. Ce dernier reçoit l’ondoiement royal et monte sur le trône avec Sàlit comme grande reine.
Sirasà, Punnasàr et leur cour se rendent ensuite dans la forêt d’Hemabànt. Ils visitent les montagnes, les lacs, la résidence des divinités… Sirasà et Punnasàr en viennent à oublier leur royaume. Ils séjournent ensuite dans Uttarakurudvîp et Amaragoyànadvîp pendant sept années qui leur paraissent un jour. Puis ils veulent visiter le paradis où réside Indra. Ce dieu envoie son cocher Màtulî pour les conduire sur son char céleste. Les deux souverains arrivent au paradis Trai Trins et saluent Indra qui invite Sirasà à régner sur la moitié des son empire céleste.
Sirasà pense à ses sujets d’ici-bas. Il fait reconduire Punnasàr et sa suite en ce bas monde.
Punnasàr y prêche la doctrine du Buddha et distribue des aumônes tous les jours.
Longtemps après, Sirasà regagne son royaume terrestre. Il consacre sa vie à faire des aumônes et de bonnes œuvres. Après sa mort, il renaît au ciel des Satisfaits (Tusit). »
Ainsi s’achève l’histoire de ces deux héros, qualifiés dans le texte de « Neak Mean Boun » Cet « Être- de- mérites » figure dans tous les romans classiques, les sàstrà lpaeng, des 17e-19e siècles et où il y joue le premier rôle.
Examinons un autre exemple typique de ce genre littéraire, roman versifié composé par le poète de cour Kao en 1798 intitulé Krun Subhamitr (Krong Sophamit) dont voici le résumé :
« Le roi Krun Subhamitr règne sur le pays de Campâk dans la paix et la prospérité ; la reine se nomme Kesanî et ses deux fils portent les noms de Jayasaen et Jayadatt. Le frère cadet du roi Asubhamitr remplit les fonctions d’uparàj, vice-roi.
Un jour, Asubhamitr juge qu’il n’a pas assez de pouvoir. Il se révolte et lève une armée pour s’emparer du trône. A ce moment-là, un mandarin au service de son jeune frère vient informer le souverain du complot. Mais le roi préfère laisser le trône à son cadet pour éviter de répandre le sang de son peuple et veut se retirer à la forêt d’Hemabànt pour devenir ermite. La reine le supplie de la laisser l’accompagner pour éviter une séparation douloureuse. Après avoir préparé les vivres, ils s’enfuient rapidement ensemble, accompagnés de leurs deux enfants. Ils marchent péniblement toute la nuit à travers la forêt de peur d’être poursuivis par l’armée du jeune frère. Lorsque le jour se lève, ils arrivent sur le bord d’un fleuve.
Ne vous inquiétez pas, dit Krun Subhamitr à son épouse, je vais laisser les enfants sur la berge, je vous transporterai la première sur l’autre rive, puis je reviendrai récupérer les enfants.
Pendant qu’il nage, accompagnant la reine vers l’autre rive, deux pêcheurs arrivent sur le fleuve et voyant les enfants seuls sans parents, les emmènent à Takkasilà pour les adopter.
Après avoir déposé son épouse, Krun Subhamitr retourne chercher les enfants. Arrivé à terre, surpris de ne pas voir ses fils, il les appelle, fouille la forêt, mais sans aucun résultat. Il en pleure de chagrin.
Désespéré, il repart à la nage rejoindre sa femme sur l’autre rive. Au même moment accoste un grand bateau. Le capitaine aperçoit la reine Kesanî, subjugué par sa beauté, il décide de la prendre pour épouse. Il embarque de force Kesanî en pleurs. Le capitaine qui veut s’approcher d’elle pour s’accoupler chancelle, effrayé par la force divine de l’épouse du Bodhisatta. Ayant reconnu la puissance surnaturelle de sa captive, il la traite comme sa propre sœur et par sa conduite irréprochable devient très riche.
Krun Subhamitr, arrivé sur la terre ferme se retrouve seul, profondément affligé il tombe en syncope. Cette double séparation qui s’abat sur le roi est la conséquence d’une mauvaise action accomplie dans une vie antérieure (jadis, il avait enlevé des petits oiseaux et en avait fait tomber trois nids).
Après avoir repris connaissance, Krun Subhamitr s’enfonce dans la forêt à la recherche de sa bien aimé. Il erre seul tristement, se lamente de son insuccès tout au long du voyage. Arrivé au royaume de Takkasilà dont le roi vient de mourir sans héritier, épuisé, il se repose sur un rocher. Les mandarins se réunissent et consultent le devin royal. Celui-ci déclare qu’un étranger, doué de la toute-puissance divine, un « Neak Mean Boun », vient d’arriver dans le royaume. Les mandarins et les brahmanes après avoir invoqué toutes les divinités célestes préparent aussitôt une procession solennelle avec pour guide un éléphant royal. L’éléphant les conduit à l’endroit où dort le Bodhisatta. Il le salue, le prend soigneusement avec sa trompe et le pose sur sa tête. Les ministres, les brahmanes l’invitent à monter sur le trône de Takkasilà. Le Bodhisatta accepte l’offre. La grande fête de couronnement est célébrée (…).
Les jeunes princes qui ont été recueillis par les pêcheurs sont élevés soigneusement. Sept ans s’étant écoulés, les deux pêcheurs viennent avec leurs deux enfants adoptifs saluer le nouveau roi de Takkasilà et les lui offrent comme serviteurs royaux. Le souverain impressionné par ces deux resplendissants garçons les nomme chefs des pages. L’abondance de ses aumônes attire nombre de gens du royaume.
Un jour le bateau dont le capitaine a enlevé Kesanî accoste à Takkasilà. Dès son arrivée il fait des présents au souverain et lui demande l’autorisation de commencer de bénéficier de sa protection et de pouvoir commercer. Pour le remercier, le roi invite le capitaine avec son équipage à une fête organisée en leur l’honneur et désigne ses deux chefs de pages pour garder le vaisseau du commerçant.
Kesanî, restée à bord, dans son sommeil, voit en songe ses retrouvailles avec son auguste époux et ses deux fils bien aimés. A son réveil, elle en pleure à chaudes larmes, se calme en pensant que ce songe est un bon présage.
Durant la nuit, le cadet Jayadatt demande à son aîné Jayasaen de lui raconter leur histoire dont il n’a aucuns souvenirs parce qu’il était trop petit. L’aîné raconte tout ce qui s’était passé à son cadet et lui précise que son père a le même nom que le roi actuel de Takkasilà, Krun Subhamitr et que sa mère se nomme Késanî. Leur mère de l’autre côté de la cloison, entend ses dires, sort de la chambre et reconnaît ses fils. Elle se précipite sur eux et les embrasse en pleurant de joie. En voyant cette scène, les gens du navire qui ne sont pas au courant des faits croient à quelque vilaine histoire, et vont en toute hâte avertir leur maître de ce qui s’est passé à bord. Très furieux, ce dernier porte plainte au roi accusant les deux jeunes pages d’adultère. Pris d’indignation, le souverain ordonne qu’on les arrête et qu’on les exécute immédiatement.
Après avoir frappé et torturé les deux jeunes gens, les bourreaux, emmenant les captifs, rencontrent l’honorable brahmane du royaume. Celui-ci, très ému de voir les deux favoris du souverain meurtris et sanglants demande aux bourreaux le motif et ordonne aux condamnés de le suivre au palais. Arrivé à la salle du trône, le sage brahmane prie le roi de ne pas exécuter ses sujets sans jugement ; acte non conforme à la vieille tradition royale.
Ayant approuvé la réflexion de son brahmane, le souverain fait revenir les deux pages et leur demande des explications. Les renseignements tirés de l’interrogatoire révèlent que les deux jeunes gens sont les enfants de la femme à bord du bateau. Le souverain comprend alors que ces deux pages sont ses fils et leur mère, sa grande épouse Kesanî. Très ému, le roi descend du trône et embrasse tendrement ses fils. Il prépare une procession solennelle composée des gens de toute sa cour pour aller recueillir la reine à bord du bateau. Les retrouvailles s’accompagnent de pleurs mêlés de joie et de souvenirs. Le capitaine effrayé d’avoir causé des ennuis à la famille royale, demande au roi de le laisser en vie. Le souverain lui accorde son pardon.
Le roi Subhamitr nomme son fils aîné Uparàj vice-roi, et le second, Aggamahàsenà, grand ministre… »
Le roman se clôt avec la transmigration de l’âme des héros.
3.3. Dans les contes et légendes.
3.3.1. Dans le conte Chau krâpot (cau krabat)
Voici le résumé de ce conte :
« Un vieux ménage vit tous les jours du produit de leur pêche. Un jour, les deux époux n’attrapent qu’un tétrodon, krâpot. Ils l’élèvent dans un bocal. En leur l’absence le tétrodon, sortant de son enveloppe, chasse les coqs et les poules qui picorent dans le séchoir les grains de paddy.
Dans le pays de Chumpouthvip le souverain, dont le nom n’est pas mentionné, a cinq filles. Un jour, il fait une promenade dans la forêt et seule, Neang Peou, la benjamine l’accompagne. A ce moment-là Chau krâpot sort de son enveloppe animale pour surveiller le riz. Il aperçoit la princesse Neang Peou, dont il s’éprend ébloui par sa beauté, il supplie maintes fois la vieille de requérir en son nom la main de la cinquième et dernière fille du roi. Si elle ne présente pas sa demande, il coupera son souffle. La vieille se rend dans la salle d’audience et demande la main de Neang Peou au monarque pour son petit-fils adoptif, le tétrodon. Le roi en colère exige une demande irréalisable, la construction en une nuit de deux palais et de deux ponts en or et en argent. Si sa requête reste sans effet, il exécutera tous les membres de la famille du pêcheur.
Le lendemain matin, les deux palais et les ponts érigés par les Dieux resplendissent. Le roi fidèle à sa parole donne Neang Peou en mariage au tétrodon. L’union fait scandale dans le royaume. La nuit de noces, Chau Krâpot quitte sa dépouille animale et rayonnant de beauté, s’unit à son épouse. Après un mois, elle est enceinte. Le souverain couvert de honte refuse à sa benjamine de venir au palais. Un jour, pendant le sommeil de son mari, Neang Peou brûle son enveloppe animale. Les cendres se transforment en or, argent et pierre précieuse. Le roi sait désormais que Chau Krâpot est un homme plein de beauté et de mérites un Neak Mean Boun et lui confie son trône. »
3.3.2. Dans le conte Preah Ko Preah Keo
La légende de Preah Ko Preah Keo reste profondément enracinée dans la mémoire collective des Cambodgiens. Complexe, elle reflète une période sombre de l’histoire du Cambodge, les guerres intestines, la destruction par les Siamois de la capitale Lovêk en 1594.
Une des versions de cette légende a été notée et publiée pour la première fois en 1870 par Gustave Janneau à partir de la tradition orale très succincte. L’autre version en vers beaucoup plus longue et plus littéraire copiée des manuscrits sur feuille de latanier est éditée chez Kim-Ky. Elle explique la cause de la chute du Cambodge par la capture de Preah Ko et de Preah Keo, après l’échec de leur dernier combat contre le taureau mécanique du roi du Siam. La déportation de Preah Ko, emportant dans son ventre les textes sacrés qui représentent le savoir et la connaissance supérieure des Khmers, scelle la décadence du pays khmer. Dans le texte le poète précise bien que Preah Ko et Preah Keo sont des Neak Mean Boun ou Neak Boun, « Êtres-de-mérites ». La légende peut-être ainsi résumé :
« Dans le pays de Takkasila où règne le roi nommé Preah Bat Reachea Reameathireach, vit un homme appelé Meanop, très pauvre mais très bon avec sa femme.
Une nuit sa femme rêve qu’on lui donne trois bagues incrustées de diamants. En se réveillant, elle raconte son songe à son mari. Il emporte des offrandes pour aller consulter le devin. Après avoir fait des calculs magiques, celui-ci lui dit :
- Il y a trois « Êtres-de-mérites », Neak Boun, qui vont s’incarner dans le sein de votre épouse. Mais il faut qu’elle s’abstienne de manger des mangues vertes afin d’éviter le danger de mort.
Sa grossesse arrive à terme et elle a une envie irrésistible de manger des mangues vertes. Son mari essaie de la détourner de cette tentation en lui promettant d’en chercher. Il prépare le nécessaire pour aller dans la forêt cueillir des mangues vertes. Il attend volontairement la tombée de la nuit avant de rentrer à la maison. Mais au coucher du soleil, la femme ne voyant pas rentrer son époux, ne pouvant plus attendre, part à la recherche d’un manguier. L’ayant trouvé, elle y grimpe, mais arrivée à la fourche de l’arbre, elle a le vertige et tombe. Son ventre éclate, et libère un veau et un bébé encore relié au placenta. Le veau, Preah Ko, va chercher son père à la maison et le ramène sous le manguier où se trouve le cadavre de sa mère et le bébé. L’homme coupe le cordon placenta pour libérer son fils Preah Keo.
L’homme va alors de maison en maison pour demander du lait pour Preah Keo. Mais toutes les femmes du village, informées de cette naissance anormale d’un veau et d’un bébé, refusent de lui donner du lait pour l’enfant. Le père, de retour chez lui, donne à boire de l’eau. Une fois le bébé calmé, l’homme va enterrer son épouse.
La rumeur de cette naissance anormale bouleverse la vie du village. Le chef du village et ses habitants veulent tuer et manger le veau. Les villageois encerclent la maison, mais Preah Ko et son père portant dans ses bras le bébé parviennent à s’enfuir dans la forêt, où Meanop alimente le nourrisson avec des fruits. Après sept mois passés en forêt, ils arrivent dans une plaine, mais restent à la lisière des arbres sans oser construire de cabane de peur que les villageois ne trouvent leurs traces. Le père confectionne un grand chapeau pour se protéger des intempéries. Au bout de trois ans, ils n’ont même plus de vêtements.
A côté de la forêt où ils habitent, se trouvent un grand figuier et une grande plaine herbeuse où les jeunes bouviers emmènent brouter leurs bovins. Au cours de la journée, ces enfants se rassemblent sous le figuier pour jouer. Leurs cris de joie qui parviennent jusqu’aux oreilles du garçonnet Preah Keo lui donnent envie de les rejoindre. Il demande la permission à son frère, Preah Ko. Mais celui-ci n’ose pas la lui donner en l’absence de son père. Lorsque celui-ci revient de sa quête de nourriture, ses fils lui demandent l’autorisation d’aller jouer avec les autres enfants. Il les y autorise pour le lendemain.
Cette nuit-là, le père pense que tout ce que le devin avait prédit s’est révélé exact, sauf la prédiction sur le nombre d’enfants : deux au lieu de trois fils. Mais ce qu’il ignorait, c’est qu’il existait des traités couvrant toutes les connaissances dans le ventre de « l’Auguste Taureau », Preah Ko.
Le lendemain, Preah Keo alla jouer avec les petits gardiens des bovins. Preah Ko, afin d’éviter tout soupçon, demanda à son jeune frère de prendre une liane et de l’attacher à son cou comme s’il était un taureau ordinaire. Mais il lui recommanda de ne pas remuer la liane au-dessus de son dos de peur de lui faire « perdre-sa-puissance-magique », sàp sîlp.
Ayant appris que Preah Keo était orphelin, les bouviers s’amusent à le frapper pendant leurs jeux. A midi, ils sortent leurs provisions, mais refusent de les partager avec Preah Keo. Ce dernier aurait voulu goûter les grains de riz restés agglutinés aux feuilles enveloppant la nourriture des autres enfants car depuis trois ans qu’il vivait dans la forêt, il n’avait plus eu l’occasion de manger du riz. Mais méchamment, les petits gardiens les piétinent pour l’en empêcher. Aussi, voyant le chagrin de son jeune frère, Preah Ko vomit des assiettes et des couverts en or, des aliments divins et une table pour Preah Keo. Celui-ci lui demande alors pourquoi il n’a pas offert ces aliments à leur père. Mais Preah Ko lui répond que ces mets divins sont réservés à Preah Keo seul, L’« Être-porteur-de-mérites », le Neak Mean Boun. Le repas fini, l’Auguste Taureau avale tout ce qui reste. A leur retour chez eux les bouviers racontent ces faits à leurs parents. Le chef du village rassemble alors les habitants pour aller capturer Preah Ko, et se saisir de l’or qui est dans son ventre. Ils se cachent pour observer Preah Ko et Preah Keo et voient à midi Preah Keo prendre des assiettes en or et des aliments divins dans le ventre de l’Auguste Taureau. Ils encerclent alors Preah Ko et Preah Keo, attachent l’Auguste Taureau à deux arbres kandol situés sur un monticule et s’apprêtent à ouvrir sa panse pour y chercher l’or. Preah Ko recommande alors à son jeune frère de bien s’agripper à sa queue et ils s’envolent en arrachant les deux arbres qui se brisent en mille morceaux et tombent sur les villageois dont beaucoup sont alors blessés ou tués. Les gens sont saisis de crainte devant la puissance de Preah Ko. Les blessés, ramassent les racines des kandol et les font bouillir dans l’eau. Par miracle, cette tisane les guérit et les rajeunit tous. Les vieillards vont également rechercher les morceaux des arbres kandol auxquels avait été attaché Preah Ko, les consomment et se transforment en jeunes gens.
Preah Ko après avoir volé un moment avec son frère, descend se reposer à côté d’une mare limpide, auprès d’un figuier. Preah Keo lui demande alors : « Pourquoi laisses-tu notre père tout seul dans la forêt ? ». Ce à quoi l’Auguste Taureau répond : « Il nous faut d‘abord échapper à la mort. Nous reviendrons lui rendre hommage plus tard ».
Mais, Meanop, ne voyant pas revenir ses enfants et ne les retrouvant pas, décide de se laisser mourir de faim.
Dans les cieux le trône d’Indra ayant chauffé, signifie qu’il doit descendre sur terre. Il débarque le « jour saint », et médite dans la forêt. Là, il aperçoit la dépouille de Meanop, qu’il reconnaît comme étant le père du Bodhisatta. Il le ressuscite, l’emmène au paradis Trai Trins, métamorphose sous les traits de Preah Ketumealea et l’installe dans un palais céleste, entouré de deux femmes, de courtisans et de courtisanes.
Pendant ce temps Preah Keo et Preah Ko n’osent plus s’aventurer hors de l’ombre du figuier. L’Auguste Taureau apprend le pàli et les traités de toute sorte à son jeune frère. Voyant celui-ci sans vêtement, il lui ordonne de prendre dans son ventre des vêtements célestes. Et chaque jour, il continue à le nourrir d’aliments succulents.
Le Preah Bat Reameathireach, roi de Takkasila, avait cinq jolies filles qui avaient toutes atteint l’âge nubile. Un jour qu’elles s’ennuyaient, elles demandent au souverain la permission d’aller se promener dans la forêt et d’aller se baigner dans la mare Muchalind. Le roi les y autorise et ordonne aux courtisanes de les accompagner.
Arrivées à la mare Muchalind, les cinq princesses descendent se baigner avec leurs suivantes. La benjamine nommée Neang Peou revenue sur la rive rencontre Preah Keo. Dès le premier regard, ils s’éprennent l’un de l’autre. Preah Keo demande alors à Preah Ko l’autorisation d’aller jouer avec les princesses. Il prend de beaux vêtements dans le ventre de l’Auguste Taureau et part jouer à cache-cache dans l’eau avec elles. Celui qui gagne a le droit de toucher les oreilles du partenaire. Mais au lieu de la toucher, Preah Keo embrasse les joues de Neang Peou et joue uniquement avec la benjamine. Jalouses d’elle, les quatre aînées, une fois rentrées au palais, rapportent cet événement au souverain qui se met en colère contre Neang Peou. Il la convoque. Mais apeurée elle n’ose pas se présenter devant son père qui ordonne aux bourreaux de la tuer dès l’aube. La reine Botumea implore en vain son époux de l’épargner. Elle va voir secrètement Neang Peou lui faire ses adieux, de peur que le souverain ne la condamne également (…). Celle-ci exécutée, les bourreaux viennent rendre compte au roi, qui regrette d’avoir condamné sa fille à mort sans jugement.
Le trône d’Indra, ayant une nouvelle fois chauffé, il ouvre ses mille yeux divins, descend sur terre et la ressuscite. Elle part seule dans la forêt (…). Ayant su que Neang Peou était l’épouse prédestinée du Bodhisatta, les divinités de la forêt la guident pour qu’elle trouve son chemin jusqu’à la mare Muchalind, l’endroit où elle avait rencontré Preah Keo, son mari pendant une vie antérieure. Elle l’aperçoit avec l’Auguste Taureau à l’ombre du figuier. Neang Peou raconte à Preah Keo tout ce qui s’est passé et celui-ci lui apprend que Preah Ko est son frère. Elle le salue trois fois. Preah Ko fait sortir de son ventre un palais et trouve le « moment propice » pour marier son jeune frère avec la princesse.
Le roi Reameathireach possédait un puissant coq de combat nommé A Rompong Phnom (« celui qui fait retentir la montagne ») dont le chant faisait vibrer le lit royal. Le roi du Siam possédait également un puissant coq nommé A Romduol. Avec une armée de cinq cents bateaux, le roi du Siam vient avec son coq de combat au Cambodge. Une fois sur le territoire khmer, il envoie au roi Reameathireach un message annonçant «de parier sur le combat de leurs coqs ». Si son coq perd, lui et son armée se retireront du Cambodge. Si le contraire se produit Reameathireach quittera le trône et lui abandonnera le pays khmer. Le lendemain jour du pari, le roi du Siam arrive avec son coq A Romduol et son armée campe dans la capitale.
Au cours du combat, le coq du roi Reameathireach est tué par le coq du roi du Siam. Le peuple redoute d’être déporté par les Siamois. Le roi Reameathireach supplie le roi du Siam d’organiser un autre combat de coqs dans les trois jours. Ce dernier accepte. Alors le souverain khmer réunit ses quatre ministres et ils décident d’envoyer des messagers dans toutes les régions du royaume rechercher un puissant coq de combat. L’un d’eux, guidé par une divinité, arrive dans la forêt où il aperçoit un palais d’or. A l’entrée ayant frappé sur le gong pour s’annoncer, il voit apparaître Neang Peou. La reconnaissant il lui raconte ce qui s’est passé puis il retourne à la capitale pour annoncer la nouvelle à son souverain. Tout heureux, Reameathireach envoie le messager demander à Neang Peou d’amener un coq de combat, sinon elle sera condamnée. Effrayés elle et son époux, ils interrogent à Preah Ko qui les assure qu’il trouvera un coq de combat et qui leur demande d’aller saluer leurs parents. Reameathireach fixe alors un marché à ses enfants : s’ils trouvent un coq de combat qui batte le coq du roi du Siam, il cédera le trône à son gendre, Preah Keo.
Preah Ko se transforme alors en un jeune coq noir. Il s’installe sur un plateau d’or et dit à sa belle-sœur, Neang Peou, de le porter sur sa tête, tout en lui interdisant de faire aucun geste de la main au-dessus de sa tête. Neang Peou et son époux arrivent au palais avec le coq magique. Le roi et le peuple trouvent le coq trop petit pour lutter contre celui du roi du Siam. Mais Neang Peou assure à son père que son coq, bien que petit, est aussi brillant que le diamant. Le roi Reameathireach envoie un messager au roi du Siam, qui arrive avec son coq A Romduol. Après avoir vu le coq de Preah Keo, le souverain du Siam est rassuré, mais une fois dans le cercle de combat, le coq « magique » bat à mort le coq du roi du Siam, qui s’en retourne avec sa flotte dans son royaume.
Reameathireach cède le trône à Preah Keo, son gendre certes de humble origine originaire du peuple, mais il est un « Neak Mean Boun »…
Le roi du Siam, une fois de retour à son pays, prépare l’épreuve de combat d’éléphants avec le roi Preah Keo. Son frère Preah Ko se métamorphose alors en éléphant et tue l’éléphant du roi du Siam au combat.
De retour dans le royaume de Siam, le souverain ordonne à ses mandarins de rechercher un habile artisan qui pourrait fabriquer un taureau mécanique en fer capable de battre le taureau que lui propose Preah Keo. Le roi du Siam après avoir interdit aux mandarins et aux soldats de parler du secret concernant le taureau mécanique, part et arrive à Takkasilà au bout de sept jours.
Pendant ce temps Preah Keo régnait dans la paix et la prospérité. Mais cette nuit-là, Neang Peou rêve d’un taureau ou d’un buffle qui la frappe à coups de cornes et lui fait éclater le foie. Ce cauchemar la réveille, tremblant de peur, ses sanglots réveillent son mari et elle lui raconte son songe qui l’atterre. Elle va voir son beau-frère, Preah Ko et lui parle de ce rêve. De par ses connaissances divines, Preah Ko sait qu’un danger mortel menace Neang Peou. Il la rassure en lui confiant que le sens de ce rêve n’est pas assez précis.
Le roi du Siam envoie à Preah Keo un messager pour le défier dans un combat de taureaux. Ce dernier va avertir son grand frère, qui pense au rêve de Neang Peou. Il dit à Preah Keo que lui et son épouse seront douloureusement séparés. Par sa connaissance divine, il avertit son jeune frère que le taureau du roi du Siam est un taureau mécanique en fer et qu’il ne peut pas le combattre, ce qui remplit de tristesse Preah Keo et Neang Peou.
L’heure du combat de taureaux arrivée, Preah Keo propose au roi du Siam, qui accepte, de changer les termes du pari : au lieu de mettre son royaume en gage, il s’engage avec Preah Ko à devenir ses esclaves à vie au cas où il perdrait le pari.
Le combat entre le taureau mécanique et Preah Ko s’engage. Ce dernier essaie d’attaquer le taureau en fer mais ne peut le faire bouger. Il s’inquiète et crie à son frère, Preah Keo, qu’il est très fatigué. Celui-ci, l’ayant entendu, prend la main de Neang Peou pour qu’elle aille tenir la queue de Preah Ko qui prend son vol. Mais n’ayant pas assez assurée sa prise, elle se tue lors de sa chute. Preah Keo, ayant vu tomber son épouse, la rejoint et appelle sans se faire entendre son frère à son aide.
De son côté Preah Ko vole jusqu’à ce qu’il ait trouvé un endroit pour se reposer. Le lendemain matin, il reprend son vol à la recherche de son jeune frère. Arrivé à un figuier, il voit Preah Keo en train de dormir. Heureux il le réveille et il lui raconte qu’il s’était rendu compte que son frère et Neang Peou étaient tombés, mais que trop fatigué, il n’avait pas pu revenir les chercher, car il devait se reposer. Preah Keo lui demande alors des nouvelles de Neang Peou. Grâce à sa connaissance divine, Preah Ko dit à son frère qu’elle est morte et que maintenant elle revit au paradis. Pour échapper à l’armée siamoise lancée à leur poursuite Preah Keo se saisit de la queue de Preah Ko et ils s’envolent à la recherche d’un refuge sûr et se cachent, notamment au milieu d’une forêt de bambous. Afin de les en déloger, le roi du Siam ordonne aux soldats de lancer une pluie de pièces de monnaie duong en argent. Le peuple khmer vient alors couper tous les bambous pour les récupérer. Preah Ko et Preah Keo ne voyant plus de bambous quittent cet endroit pour chercher un autre refuge. A la fin les soldats siamois arrivent à les attraper. Le souverain du Siam enferme à Ayuthyea Preah Ko et Preah Keo dans une forteresse où il est impossible de s’évader. »
Les Cambodgiens croient que leur pays khmer est en décadence à partir de la capture de ces deux Neak Mean Boun, notamment dans le ventre de l’Auguste Taureau contenant en outre des livres sacrés. Depuis ces événements funestes les Cambodgiens lient la capture de ces deux Neak Mean Boun à la décadence du pays, renforcée par la perte des livres sacrés renfermés dans le ventre de l’Auguste Taureau. « C’est pour cela que les Siamois sont devenus bien supérieurs aux Cambodgiens dans toutes les branches de connaissances, tandis que ce dernier peuple est plongé dans une ignorance telle qu’il ne s’y trouve pas d’hommes en état de faire quoi que ce soit à l’égal des autres pays… »
3.4. Le Pouth Tumneay (Buddh Dumnày) «La Prédiction du Bouddha »
Le Pouth Tumneay existe en versions écrites et orales en prose et en vers avec des variantes d’un texte à un autre. Il appartient à un genre littéraire spécial tels que Ein Tumneay (« Prédiction d’Indra »), Eisei Tumneay (« Prédiction d’ermite »), Tumneay Preah Rong (« Prédiction de Preah Rong »). « Les Cambodgiens accordent un grand crédit à ces prédictions ». Le Pouth Tumneay « Prédiction du Bouddha » est une sorte de texte messianique. Sa carrière n’est pas encore achevée à l’époque actuelle. Il a été utilisé jusqu’à nos jours pour interpréter les événements importants de l’histoire du Cambodge.
Pendant la période de la République khmère (1970-1975), plusieurs textes de ce genre qui, ont été édités et dans le climat d’incertitudes et de troubles liés à la guerre ont remporté un grand succès en librairie.
Dans le Pouth Tumneay publié par Ka Phann, l’éditeur dans son recueil de « Prédictions », précise à la première page qu’il a copié ces textes à partir des manuscrits sur feuille de latanier. Sa version de « Prédiction du Bouddha » comprend une trentaine de pages (p. 5-37) et nous relevons seize fois l’expression Neak Mean Boun (« Être- de- mérites ») qui revient comme un leitmotiv et dont l’histoire est le pivot de la narration.
Pendant une période de troubles, le Neak Mean Boun, Preah Bat Dhammik (« le roi juste ») arrive à pacifier le Cambodge. Le Bouddha prédit que la religion du Seigneur ne durera que 5000 ans et après lui il y aura un autre Neak Mean Boun, Preah Serei Ary Metrey qui accomplira l’illumination totale et viendra sauver le monde…D’après notre série d’enquêtes menées sur Internet dans des boîtes de discussion « Khmer@Avenir » (khmer.avenir@gmail.com) et « AngkorianSociety » (angkoriansociety@googlegroups.com) entre des intellectuels khmers en Europe, aux Etats Unis et ailleurs, nous constatons que la plupart des Cambodgiens ne se rappellent que sommairement de quelques passages majeurs du Pouth Tumneay tels que :
« Mean phteah eith monous nao
Mean phlao eith monous doer
Phteah thmâr sâsâr russei
Nao moukh tonlé buon moukh mean chheam dap puos damrei
Monous slàp as nao sal tè lok buon ang eisei buon neak achar moneak snak nao krom molop po
Preah bat thoammik mok chuoy sroch srang srok khmèr oy ban sok vinh.
Cela signifie:
“Il y aura des maisons, mais plus personne ne les habitera.
Il y aura des rues, mais plus personne ne les empruntera.
Il y aura des maisons en maçonnerie avec des colonnes de bambou.
Dans la plaine des Quatre Bras, le sang atteindra la hauteur du ventre d’un éléphant.
Le peuple sera anéantit, il ne restera que quatre bonzes et quatre ermites et un maître spirituel qui s’abriteront à l’ombre d’un arbre Po».
Preah Bat Thoammik (Brah Pàd Dhammik) viendra sauver le Cambodge qui retrouvera la paix… »
Preah Bat Thoammik (« roi juste ou vertueux ») dans le Pouth Tumneay a un rôle différent du Bodhisavta Maitreya. D’après la tradition millénariste canonique le Bodhisatva Maitreya ne doit apparaître qu’à la fin des 5000 ans de la Loi du Bouddha historique. Quant au Sdach Thoammik/Brah Pàd Dhammik (roi juste ou vertueux), il a pour rôle dans la Prédiction non seulement de restaurer la religion, comme chaque « roi juste » l’avait fait après le règne d’un roi mauvais, mais encore d’assurer sa quiétude et celle de la cité jusqu’à l’échéance des 5000 années que doit durer la Bonne Loi.
« Cette prédiction, dont la notoriété est universelle au Cambodge, semble être l’obsession des Khmers chaque fois que le chaos plane sur le pays… ».
Conclusion
La conception de Neak Mean Boun est liée intimement au bouddhisme populaire, notamment à la Loi karmique. Certains souverains portent le nom de règne Preah Bat Thoammik ou Sdach Thoammik ou Thaommik tels que Preah Bat Trasak Phaèm (Jardinier Régicide) et Sa Majesté Norodom Sihanouk. La titulature «Thoammik (« le roi juste») désigne également Neak Mean Boun. Il n’est pas interdit de penser que Thoamik/Dhammik = Bodhisatta = Neak Mean Boun. Cette conception est une sorte de légitimations du pouvoir politique et social au Cambodge et aux pays bouddhiques theravadin de la péninsule indochinoise. Ce personnage Neak Mean Boun appartient au fond culturel et littéraire du Cambodge depuis sans doute la période du khmer moyen (17ème -19ème siècles) jusqu’à nos jours comme en témoignent des textes de la littérature écrite et orale.
Dear KI-Media
-I am not an ultra-nationalist, but I am not promoting Valentine Day as part of the Khmer Culture.
-Ki-media must educate Young Cambodian generation about their own culture instead of encouraging them to adopt foreign culture.
- Ki-media must know that many young Cambodians now celebrate more just than Valentine Day: they rented cheap hotels or met in the orchards to enjoy SEX.
- I know a midwivfe who earns a lot of money by doing abortions for the young girls who had enjoy the Valentine Day.
Dear Ki-media. Please delete the above long article. It's not a comment. It's too long!
Please have respect to this picture. She is a real Khmer women. King Jayawarman VII did not feel well to know, that the Khmer citizen suffered so much.
Vote for Hun Sen again,by 2015 ASEAN will let Cambodia people to beg acroos region.
Jayo Angkar Kor 5 moha oschaa moha laut phloss moha phleu swaang miakia chatokone-treikone khnong ronn moul yuon!!!!
Victory Sihanouk
http://fr.youtube.com/watch?v=dxmVWVI64PQ&feature=related
with oil and gas in development, cambodia gov't should start looking and thinking for ways to help poor people and alleviate poverty from cambodia. perhaps establishing a social security system for the disabled, the handicapped, the poors, the disadvantaged and the war victims, the war veterans and so on. this poor lady could be your mother, sisiter, relative, etc... please image that! how would you like it if it happens to your family and loved ones or people you care and know of? please help to make a difference in the name of god. thank you.
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