

Altercations entre des partisans de l'opposition cambodgienne et les forces de l'ordre après que la Cour municipale de Phnom Penh a prononcé son verdict à l'encontre de Mu Sochua
05/03/2010
Seth Mydans
The New York Times
Mu Sochua, députée de l'opposition cambodgienne, défend la cause des femmes dans une société obstinément dominée par les hommes.
MAK PRAING, Cambodge — “Je pars à la pêche aux voix !” s'exclame Mu Sochua en montant dans une frêle embarcation, “je vais les ferrer une par une”. Cette scène se déroulait il y a quelque temps, dans le sud du pays, où elle franchissait une petite rivière. Lancée dans une campagne législative interminable pour sa réélection, elle allait à la rencontre d'électeurs ruraux qui n'avaient sans doute jamais vu son visage.
Principale figure féminine de la fragile opposition cambodgienne, Mu Suchoa, 55 ans, a déjà commencé sa campagne alors que le scrutin n'aura lieu que dans trois ans. Quasiment exclue des médias contrôlés par le gouvernement, elle n'a pas d'autre choix. “Seuls 35 % des électeurs savent qui a gagné la dernière élection”, regrette-telle. Elle n'a pas de temps à perdre.
Mu Suchoa appartient à une nouvelle génération de femmes qui pénètrent doucement les milieux politiques en Asie et ailleurs, depuis les conseils municipaux jusqu'aux assemblées nationales et aux cabinets ministériels.
Anciennement ministre de la Condition féminine, elle a oeuvré plus que quiconque dans les années 1990 pour mettre la question des femmes à l'ordre du jour au Cambodge, alors que le pays émergeait de décennies de guerre et de génocide. En 2004, lorsqu'elle a quitté le gouvernement, elle a perdu sa tribune. Elle a désormais autant de mal à promouvoir ses idées qu'à se faire connaître des électeurs.
Elle affirme que sa principale réalisation, faire accéder des milliers de femmes à des postes de fonctionnaires, n'a malheureusement guère fait avancer la condition féminine dans une société obstinément dominée par les hommes. Comme les dissidents et les opposants de nombreux pays, elle affronte un nouvel obstacle : défendre ses propres droits. Et comme elle a gagné en visibilité, ses prises de position lui font plus encore de tort que la discrimination.
Très récemment, elle a été à la fois accusée et plaignante dans une étrange affaire de diffamation qui l'a opposée à Hun Sen, le très autoritaire premier ministre cambodgien. Elle a perdu, comme on pouvait s'y attendre. Tout a commencé en avril 2009, ici, dans la province de Kampot, sa circonscription. M. Hun Sen l'a désignée par l'expression “cheung klang”, à peu près traduisible en “forte jambe” et peu prisée des femmes du pays.
Elle l'a poursuivi pour diffamation. Hun Sen l'a privée de son immunité parlementaire et l'a attaquée à son tour. L'affaire a été expédiée par des tribunaux dociles qui l'ont condamnée, en août, à payer une amende de 16,5 millions de riels (2 900 euros) pour diffamation à l'encontre du premier ministre. Elle refuse d'obtempérer. “Aujourd'hui, je vis constamment sous la menace d'un emprisonnement”, dit-elle. “Je ne paierai pas cette amende. Ce serait dire à toutes les Cambodgiennes : ‘Vous ne comptez pas. Un homme peut vous traiter de tous les noms, vous ne pouvez rien faire'.”
En tant qu'opposante déclarée au premier ministre, elle a découvert que tout groupe, action ou manifestation auquel elle participe se voit stigmatisé. “Ma voix tue le mouvement”, dit-elle. “C'est de ma faute. Je représente l'opposition, une femme dans la contestation. Les Cambodgiennes me disent : ‘Nous croyons en vous. Nous vous admirons. Mais on ne peut pas s'associer à vous, car ça tuerait le mouvement'.”
Durant les six années où elle a été ministre de la Condition féminine, Mu Sochua a lutté contre la maltraitance des enfants, le viol conjugal, les violences faites aux femmes, leur exploitation au travail et le trafic d'êtres humains. Elle a aussi participé à la rédaction de la loi contre les violences conjugales. C'est en partie grâce à son travail que, dit-elle, “les gens sont sensibilisés aux rapports entre les sexes. Le mot anglais “gender” a fait son entrée dans la langue cambodgienne. Les gens savent désormais que les femmes ont des droits.”
Mais, pour ce qui est de l'émancipation des femmes, la quantité n'a pas produit la qualité, et sa visibilité accrue n'a pas fait avancer la condition féminine dans le pays.
“Elles n'osent pas s'exprimer”, regrette- t-elle. “C'est difficile de parler de ça — je ne veux pas les contrarier — mais si [les femmes] souffrent de notre silence, nous sommes responsables. Que faisons-nous pour rendre notre vie meilleure ?» «C'est en cela que les femmes peuvent nuire à leurs semblables. Elles font de la politique mais, en gardant le silence, elles participent au problème.”
MAK PRAING, Cambodge — “Je pars à la pêche aux voix !” s'exclame Mu Sochua en montant dans une frêle embarcation, “je vais les ferrer une par une”. Cette scène se déroulait il y a quelque temps, dans le sud du pays, où elle franchissait une petite rivière. Lancée dans une campagne législative interminable pour sa réélection, elle allait à la rencontre d'électeurs ruraux qui n'avaient sans doute jamais vu son visage.
Principale figure féminine de la fragile opposition cambodgienne, Mu Suchoa, 55 ans, a déjà commencé sa campagne alors que le scrutin n'aura lieu que dans trois ans. Quasiment exclue des médias contrôlés par le gouvernement, elle n'a pas d'autre choix. “Seuls 35 % des électeurs savent qui a gagné la dernière élection”, regrette-telle. Elle n'a pas de temps à perdre.
Mu Suchoa appartient à une nouvelle génération de femmes qui pénètrent doucement les milieux politiques en Asie et ailleurs, depuis les conseils municipaux jusqu'aux assemblées nationales et aux cabinets ministériels.
Anciennement ministre de la Condition féminine, elle a oeuvré plus que quiconque dans les années 1990 pour mettre la question des femmes à l'ordre du jour au Cambodge, alors que le pays émergeait de décennies de guerre et de génocide. En 2004, lorsqu'elle a quitté le gouvernement, elle a perdu sa tribune. Elle a désormais autant de mal à promouvoir ses idées qu'à se faire connaître des électeurs.
Elle affirme que sa principale réalisation, faire accéder des milliers de femmes à des postes de fonctionnaires, n'a malheureusement guère fait avancer la condition féminine dans une société obstinément dominée par les hommes. Comme les dissidents et les opposants de nombreux pays, elle affronte un nouvel obstacle : défendre ses propres droits. Et comme elle a gagné en visibilité, ses prises de position lui font plus encore de tort que la discrimination.
Très récemment, elle a été à la fois accusée et plaignante dans une étrange affaire de diffamation qui l'a opposée à Hun Sen, le très autoritaire premier ministre cambodgien. Elle a perdu, comme on pouvait s'y attendre. Tout a commencé en avril 2009, ici, dans la province de Kampot, sa circonscription. M. Hun Sen l'a désignée par l'expression “cheung klang”, à peu près traduisible en “forte jambe” et peu prisée des femmes du pays.
Elle l'a poursuivi pour diffamation. Hun Sen l'a privée de son immunité parlementaire et l'a attaquée à son tour. L'affaire a été expédiée par des tribunaux dociles qui l'ont condamnée, en août, à payer une amende de 16,5 millions de riels (2 900 euros) pour diffamation à l'encontre du premier ministre. Elle refuse d'obtempérer. “Aujourd'hui, je vis constamment sous la menace d'un emprisonnement”, dit-elle. “Je ne paierai pas cette amende. Ce serait dire à toutes les Cambodgiennes : ‘Vous ne comptez pas. Un homme peut vous traiter de tous les noms, vous ne pouvez rien faire'.”
En tant qu'opposante déclarée au premier ministre, elle a découvert que tout groupe, action ou manifestation auquel elle participe se voit stigmatisé. “Ma voix tue le mouvement”, dit-elle. “C'est de ma faute. Je représente l'opposition, une femme dans la contestation. Les Cambodgiennes me disent : ‘Nous croyons en vous. Nous vous admirons. Mais on ne peut pas s'associer à vous, car ça tuerait le mouvement'.”
Durant les six années où elle a été ministre de la Condition féminine, Mu Sochua a lutté contre la maltraitance des enfants, le viol conjugal, les violences faites aux femmes, leur exploitation au travail et le trafic d'êtres humains. Elle a aussi participé à la rédaction de la loi contre les violences conjugales. C'est en partie grâce à son travail que, dit-elle, “les gens sont sensibilisés aux rapports entre les sexes. Le mot anglais “gender” a fait son entrée dans la langue cambodgienne. Les gens savent désormais que les femmes ont des droits.”
Mais, pour ce qui est de l'émancipation des femmes, la quantité n'a pas produit la qualité, et sa visibilité accrue n'a pas fait avancer la condition féminine dans le pays.
“Elles n'osent pas s'exprimer”, regrette- t-elle. “C'est difficile de parler de ça — je ne veux pas les contrarier — mais si [les femmes] souffrent de notre silence, nous sommes responsables. Que faisons-nous pour rendre notre vie meilleure ?» «C'est en cela que les femmes peuvent nuire à leurs semblables. Elles font de la politique mais, en gardant le silence, elles participent au problème.”